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Germaine By: Edmond About (1828-1885) |
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PAR EDMOND ABOUT
SOIXANTE SIXIÈME MILLE
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
79, BOULEVARD SAINT GERMAIN, 79 1903 A
MADAME LA PRINCESSE
SOPHIE SCHAHOFFSKOY
NÉE MODÈNE
HOMMAGE
DE TRÈS RESPECTUEUSE AMITIÉ
GERMAINE.
I LES ÉTRENNES DE LA DUCHESSE.
Vers le milieu de la rue de l'Université, entre le numéro 51 et le 57,
on voit quatre hôtels qui peuvent compter parmi les plus beaux de
Paris. Le premier appartient à M. Pozzo di Borgo; le second, au comte
de Mailly; le troisième, au duc de Choiseul; le dernier au baron de
Sanglié. C'est celui qui fait l'angle de la rue Bellechasse. L'hôtel de Sanglié est une habitation de noble apparence. La porte
cochère s'ouvre sur une cour d'honneur soigneusement sablée et tapissée
de treilles centenaires. La loge du suisse est à gauche, cachée sous un
lierre épais où les moineaux et les portiers babillent à l'unisson. Au
fond de la cour à droite, un large perron, abrité sous une marquise,
conduit au vestibule et au grand escalier. Le rez de chaussée et le
premier sont occupés par le baron tout seul; il jouit sans partage d'un
vaste jardin borné par d'autres jardins, peuplé de fauvettes, de merles
et d'écureuils qui vont de l'un chez l'autre en pleine liberté, comme
s'ils étaient habitants d'un bois, et non citoyens de Paris. Les armes des Sanglié, peintes à la cire, se répètent sur tous les murs
du vestibule. C'est un sanglier d'or sur champ de gueules. L'écusson est
supporté par deux lévriers et surmonté d'un tortil de baron avec cette
légende: SANG LIÉ AU ROY. Une demi douzaine de lévriers vivants, groupés
suivant leur fantaisie, s'agacent au pied de l'escalier, mordillent les
véroniques en fleur dans les vases du Japon, ou s'aplatissent sur le
tapis en allongeant leur tête serpentine. Les valets de pied, assis sur
des banquettes de Beauvais, se croisent solennellement les bras, comme
il convient à des gens de bonne maison. Le 1er janvier 1853, vers les neuf heures du matin, tous les domestiques
de l'hôtel tenaient sous le vestibule un congrès tumultueux. L'intendant
du baron, M. Anatole, venait de leur distribuer leurs étrennes. Le
maître d'hôtel avait reçu cinq cents francs, le valet de chambre deux
cent cinquante. Le moins favorisé de tous, le marmiton, contemplait avec
une tendresse inexprimable deux beaux louis d'or tout neufs. Il y avait
des jaloux dans l'assemblée, mais pas un mécontent, et chacun disait en
son langage que c'est plaisir de servir un maître riche et généreux. Ces messieurs formaient un groupe assez pittoresque autour d'une des
bouches du calorifère. Les plus matineux avaient déjà la grande livrée;
les autres portaient encore le gilet à manches, qui est la petite tenue
des domestiques. Le valet de chambre était tout de noir habillé, avec
des chaussons de lisière; le jardinier ressemblait à un villageois
endimanché; le cocher était en veste de tricot et en chapeau galonné; le
suisse, en baudrier d'or et en sabots. On apercevait ça et là, le long
des murs, un fouet, une étrille, un bâton à cirer, une tête de loup, et
des plumeaux dont je ne sais pas le nombre. Le maître dormait jusqu'à midi, en homme qui a passé la nuit au club:
on avait bien le temps de se mettre à l'ouvrage. Chacun faisait d'avance
emploi de son argent, et les châteaux en Espagne allaient bon train.
Tous les hommes, petits et grands, sont de la famille de Perrette qui
portait un pot au lait. «Avec ça et ce que j'ai de côté, disait le maître d'hôtel, j'arrondirai
ma rente viagère. On a du pain sur la planche, Dieu merci! et l'on ne se
laissera manquer de rien sur ses vieux jours... Continue reading book >>
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