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La comtesse de Rudolstadt By: George Sand (1804-1876) |
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LIBRAIRIE MARESCO ET Cie
6, RUE DU PONT DE LODI, PARIS LIBRAIRIE BLANCHARD
78, RUE RICHELIEU, PARIS
1852
LA COMTESSE DE RUDOLSTADT par George Sand
I.
La salle de l'Opéra italien de Berlin, bâtie durant les premières années
du règne de Frédéric le Grand, était alors une des plus belles de
l'Europe. L'entrée en était gratuite, le spectacle étant payé par le roi.
Il fallait néanmoins des billets pour y être admis, car toutes les loges
avaient leur destination fixe: ici les princes et princesses de la famille
royale; là le corps diplomatique, puis les voyageurs illustres, puis
l'Académie, ailleurs les généraux; enfin partout la famille du roi, la
maison du roi, les salariés du roi, les protégés du roi; et sans qu'on eût
lieu de s'en plaindre, puisque c'étaient le théâtre du roi et les
comédiens du roi. Restait, pour les bons habitants de la bonne ville de
Berlin, une petite partie du parterre; car la majeure partie était occupée
par les militaires, chaque régiment ayant le droit d'y envoyer un certain
nombre d'hommes par compagnie. Au lieu du peuple joyeux, impressionnable
et intelligent de Paris, les artistes avaient donc sous les yeux un
parterre de héros de six pieds , comme les appelait Voltaire, coiffés de
hauts bonnets, et la plupart surmontés de leurs femmes qu'ils prenaient
sur leurs épaules, le tout formant une société assez brutale, sentant fort
le tabac et l'eau de vie, ne comprenant rien de rien, ouvrant de grands
yeux, ne se permettant d'applaudir ni de siffler, par respect pour la
consigne, et faisant néanmoins beaucoup de bruit par son mouvement
perpétuel. Il y avait infailliblement derrière ces messieurs deux rangs de loges d'où
les spectateurs ne voyaient et n'entendaient rien; mais, par convenance,
ils étaient forcés d'assister régulièrement au spectacle que Sa Majesté
avait la munificence de leur payer. Sa Majesté elle même ne manquait
aucune représentation. C'était une manière de tenir militairement sous ses
yeux les nombreux membres de sa famille et l'inquiète fourmilière de ses
courtisans. Son père, le Gros Guillaume, lui avait donné cet exemple, dans
une salle de planches mal jointes, où, en présence de mauvais histrions
allemands, la famille royale et la cour se morfondaient douloureusement
tous les soirs d'hiver, et recevaient la pluie sans sourciller, tandis que
le roi dormait. Frédéric avait souffert de cette tyrannie domestique, il
l'avait maudite, il l'avait subie, et il l'avait bientôt remise en vigueur
dès qu'il avait été maître à son tour, ainsi que beaucoup d'autres
coutumes beaucoup plus despotiques et cruelles, dont il avait reconnu
l'excellence depuis qu'il était le seul de son royaume à n'en plus
souffrir. Cependant on n'osait se plaindre. Le local était superbe, l'Opéra monté
avec luxe, les artistes remarquables; et le roi, presque toujours debout à
l'orchestre près de la rampe, la lorgnette braquée sur le théâtre, donnait
l'exemple d'un dilettantisme infatigable. On sait tous les éloges que Voltaire, dans les premiers temps de son
installation à Berlin, donnait aux splendeurs de la cour du Salomon du
Nord . Dédaigné par Louis XV, négligé par sa protectrice madame de
Pompadour, persécuté par la plèbe des jésuites, sifflé au Théâtre Français,
il était venu chercher, dans un jour de dépit, des honneurs, des
appointements, un titre de chambellan, un grand cordon et l'intimité d'un
roi philosophe, plus flatteuse à ses yeux que le reste. Comme un grand
enfant, le grand Voltaire boudait la France, et croyait faire crever de
dépit ses ingrats compatriotes. Il était donc un peu enivré de sa
nouvelle gloire lorsqu'il écrivait à ses amis que Berlin valait bien
Versailles, que l'opéra de Phaéton était le plus beau spectacle qu'on
pût voir, et que la prima donna avait la plus belle voix de l'Europe. Cependant, à l'époque où nous reprenons notre récit (et, pour ne pas faire
travailler l'esprit de nos lectrices, nous les avertirons qu'un an s'est
presque écoulé depuis les dernières aventures de Consuelo), l'hiver se
faisant sentir dans toute sa rigueur à Berlin, et le grand roi s'étant un
peu montré sous son véritable jour, Voltaire commençait à se
désillusionner singulièrement de la Prusse... Continue reading book >>
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