Le specule des pecheurs Jean Castel En ce present volume sont contenus troys livres. Le premier est nommé le specule des pecheurs. Le second livre est appellé l'exortation des mondains tant gens d'eglise comme seculiers. Le tiers livre se nomme l'exemple des dames et damoiselles et de tout le sexe femenin. Le premier nommé le specule des pecheurs contient quinze chapitres principaulx. Le premier chappitre admonneste comment on se doit inciter a bien faire et se repentir de ses pechés envers dieu. Le second chappitre recite comment il fait bon retenir les paroles en ce livre escriptes en soy desprisant et le monde. Le tiers chappitre enseigne comment on doit penser qu'on est viande a vers et qu'on deviendra a la fin cendre. Le quatriesme chappitre demonstre comment aucun parent ne amy ne peut secourir son prochain a l'eure de la mort et des grandes douleurs qu'on y seuffre. Le cinquiesme chappitre parle comment on put comme charougne après la mort et comment les plusgrans clers se doyvent humilier en leur science. Le sixiesme chappitre enseigne comment les plusgrans clers dessusdicts ne sont pas les plus consciencieux aucunesfois. comme dit saint bernard. Le septiesme chappitre demonstre comment nous devons penser que c'est toute povreté et misere de nostre conception Le huytiesme chappitre enseigne comment ce nous est grant abus de vestir de vestemens precieux nous corps qui seront en la fin pourris pour devestir nostre ame de vertus. Le .ix. chappitre enseigne comment nous devons penser que sont devenus les plusgrans du temps passé qui furent comme nous sommes et que peu leur ont profité leurs honneurs. Le .x. chappitre demonstre comment nous devons souvent regarder aux eglises les sepultures et aux charniers des cymetieres les ossemens de ceulx qui jadis furent. Le xi. chappitre parle de l'orreur horrible qu'on a des visions qu'on veoit a l'eure de la mort et après mort sans aide d'ami Le .xii chappitre parle de la maniere du terrible et espoventable jour du divin jugement ou chacun viendra conter de ses mesfaictz. Le .xiii. chappitre recite comment les dannés seront en corps et en ame tourmentés après le jour du jugement. Le .xiiii. chappitre contient les principales peines des dannés en demonstrant que leur ont prouffité chasteaulx terres possessions et richesses. Le .xv. chappitre recite les principalles joies de paradis selon les divines escriptures des saincts sacrés docteurs Le second livre nommé l'exortation des mondains tant d'eglise comme seculiers contient six chappitres principaulx divisés en six balades. Le premier chappitre en balade demonstre comment l'omme doit vivre pour avoir paix a dieu et au monde pour contempner toutes richesses et amander sa vie. dont le refrain est Par ce moien nous aurons tousjours paix. Le second chappitre compris en balade parle contre ceulx et principallement gens de court qui aiment ce maleureux monde pour perdre la vie eternelle dont le refrain c'ensuyt Homme desfait et a perdicion. Le troisiesme chappitre en balade remonstre comment toutes gens d'eglise et en especial parle aux prelas comment ilz se doivent despriser et le monde aussi en menant bonne vie dont le refrain s'ensuyt en deux vers Mais sçais tu quant demain par adventure. Ou aujourd'uy pourtant donne toy garde Le quatriesme chappitre en balade bien proufitable contient les principalles joyes de paradis et les peines d'enfer dont le refrain s'ensuyt Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse. Le cinquiesme chappitre en balade remonstre comme on doit aprendre a bien vivre pour bien mourir et renuncier au monde dont le refrain s'ensuit Pour bien mourir et vivre longuement. Le sixiesme chappitre en balade remontre comment on doit acquerir le tresor des cieulx et despriser toutes richesses don le refrain s'ensuit. Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre Le tiers livre nommé le mirouer des dammes et damoiselles et l'exemple de tout le sexe femenin contient en effect comment toute beaulté richesse puissance renon honneur noblesse possession et toute domination tourne et fine en douleur en povreté et en tristesse par quoy on doit si bien vivre sur terre en soy desprisant devant la mort qu'on puisse regner sans fin lassus ou est vie perpetuelle Cy commance le specule des pecheurs fait et compilé pour le salut des ames sur pluseurs divines escriptures des saincts docteurs par frere jehan de castel religieux de l'ordre saint benoist et croniqueur de france. Et pource que pluseurs profons clers ne se delectent pas a oyr choses faites et versifiees toutes en françois ou en prose. ne aussi pluseurs gens simples lais a escouter livres en latin tant en proses comme en mettres affin que les clers et les lais soient aucunement contans ledit specule a esté fait et composé tant en latin comme en françois mixtionné en pluseurs lieux a la requeste de reverend pere en dieu messire jehan du bellay noble homme evesque de poitiers et abbé de saint florent près de saulmur au dyocese d'angiers l'an de grace mil quatre Cens .lxviii Le premier chappitre du premier livre Sens sans conseil et aussi sans prudence Ce dit moyse _utinam saperent_ En oultre plus dit pour l'intelligence Du temps futur _et intelligerent Novissima atque providerent_ Pour ung chacun de bien faire advertir Helas pourtant vueillons nous convertir Considerons nostre fragilité Et regardons nous jours qui sont si cours Las nous voions guerre et mortalité Venir vers nous las plus tost que le cours Si tost aller et n'y voulons attendre Las pensons y pour dieu sans plus attendre O sentence de dieu salut portante Par la quelle nous est instruction De sapience et aussi confortante De contenence humble amonition De divine grace acquisition Exaulcement aussi de penitence Semblablement mirouer de providence O de jesus nostre doulx createur Et plasmateur _miranda bonitas_ O de jesus nostre vray curateur Et redempteur _maxima caritas_ O du sauveur _dulcis benignitas_ Qui ses servans de mort a vie a mis Nous sommes serfs mais a dieu bien servir Le temps passé feusmes trop negligens Dont la grace n'avons peu desservir De la quelle sommes tres indigens Helas pourtant soions plus diligens Le temps futur tant que serons en vie Et de bien faire aions tousjours envie Mauvais sommes et desservi avons Mort plus que vie et si cognoissons bien Que nous mourrons et l'eure ne savons Ne de nous jours le nombre aussi combien Et toutesfois pour nous mouvoir a bien Qui a tout mal est tousjours different Dieu nous conseille _utinam saperent_ Qui est l'omme s'il a entendement Qui ne se doyve en cueur trop resjouir Quant il congnoist que de son sauvement L'advise dieu comme icy peut oyr Pour le fayre du royaume jouir Lassus sans fin que ceulx possideront _Qui precepta sua_ bien garderont Pourtant sur tout les mandemans gardons _Studiose atque impleamus_ De les briser bien nous contregardons _Sed devote ea diligamus_ Et a yceulx _hic obediamus_ Ou aultrement saint pol dit que nous sommes Miserables sur tous les meschans hommes Mais pour le mettre a execution Il nous convient premierement savoir Que nous devons de toute affection Sur toute rien dieu en grant crainte avoir Nostre prochain amer sans decevoir Pareillement ce qui peut a dieu plaire Et haïr tout ce qu'il luy peut desplaire Or acomplir ceci on ne pourroit Aucunement sans la grace acquerir Mais qui sa grace acquerir bien vourroit De cueur contrit le fauldroit requerir Bien pur et net pour le moyen querir D'avoir son aide et son conseil ensemble Car par ces points nous l'aurons se me semble Helas pourtant en estat nous mettons En requerant a dieu misericorde Et desoresmais chose ne commetons Dont nous soions envers luy en discorde Mais ung chacun de moyse recorde Le saint prophete homme en dieu reverend Ceste leçon _utinam saperent_ Le second chappitre O chers freres _queso que legitis_ Retenés bien _et intelligite Et inquantum deum diligitis Oblivisci hec verba nolite_ Car qui bien pense en ceste auctorité Il mect remede en son temps advenir Par quoy encore a bien peut parvenir Car pour certain _hujus sentencie Supradicte consideratio Est medela false malicie Superbie atque destructio Similiter evacuatio_ De venteté qui n'est que vanité Parfection aussi de sanctité _Luxurieque effugatio_ Et d'envie c'est toute extinction _Discipline atque constructio_ Et de salut c'est preparation Et pourtant dieu pour la salvation Des negligens _ut bonum facerent_ Dit a moyse _utinam saperent_ _Heu heu quam pauci sunt_ au monde _Qui sapiant_ de dieu ceste sentence Ne qui tiennent leur conscience munde Ou qui portent de leurs maulx penitence Ne qui facent auchune resistence Contre la chair le monde et l'annemi S'aucuns le font ce n'est pas a demy Dieu que peu sont qui aient congnoissance Que leur chair soit cendre et corruption Ne qui pensent en leur ville naissance N'a leur pechés n'a leur salvation Encore moins qui recordation Aient d'enfer ne de leur mort soudainne Tant les deceoit ceste vie mondainne Pourtant dieu veult que tousjours en prudence Soit des pecheurs le cueur et la pensee Et pource affin que par la providence Sa majesté ne feust plus offensee Par malice souuant d'eulx pourpensee Et qu'a leur fin _bene concuperent_ Dire leur fist _utinam saperent_ Las et pourtant chers freres concevés Ceste sentence et ne l'oubliés pas Car vous sçavés et bien aparcevés Que ce monde n'est que ung petit trespas Ou nous courons trop plus tost que le pas Sans y mettre provision future Las pensons y comme a dit l'escripture Trescher frere ceste admonition _Cum studio_ de cueur ferme et estable Et par grande deliberation Conceoy souvant qu'elle est proufitable Tesmoing moyse homme tant veritable A tout pecheur qui bonne fin veult faire Et ses briefs jours en bonne euvre parfaire Car tout ainsi comme l'audeur d'encens S'il n'est au feu tu ne sens propement Ne plus ne moins des saincts escrips ton sens La sentence ne conceoit nullement _Nisi primo sapias_ clerement _Intelligas et sepe studeas Novissima atque provideas_ _Ecce frater carissime tibi Tria in hec ponuntur_ cest science Premierement _que ponitur ibi_ Qui procede de vraye sapience Intelligence et aussi providence Ce sont trois temps que savoir te convient Le temps passé le present et qui vient Pourtant dieu veult cher frere que tu saches Que la vie presente est fugitive Pleine d'orgueil d'envie et d'autres taches Toute pollue umbreuse et transitive D'avarice corrumpue et chetive Dont l'antree est plourable et douloureuse Et l'issue terrible et langoureuse Pource de tant que plus aparcevons Ce perilleux monde estre miserable De tant plus tost contempner le devons Comme une chose orde et vituperable Pour acquerir le païs pardurable Lassus sans fin ou dieu tient son empire Et ou nostre ame et nostre cueur suspire Dieu veult aussi que tu penses comment Tu es fragile et povre de nature Et que du ventre yssis premierement De ta mere trespovre creature La quelle mere est terre et porriture Et en la fin retourneras en terre Ou y fauldra que ton corps on enterre En la misere et povreté aussi De ce monde tu entras devenu Pleurant tes jours et aussi tout ainsi Retourneras comme tu es venu Puis que de eve naistre il t'a convenu Qui fut creee en paradis terrestre Et nee en terre il te fauldra terre estre Doncques tes jours comme est dit _lugendo In hunc mundum nudus introisti_ Et en labour _ad mortem currendo_ De jour en jour _transis et transisti_ Et non obtant que _dives fuisti Et habeas adhuc divitias Quid valet hoc_ puis que a mourir cy as _Substancia terrena_ comparee _Perpetue et eterne vice_ La quelle vie au peuple est preparee Qui a bien fait et tout mal evité Lequel de dieu est lassus invité _Ubi est pax et summum gaudium_ Est charge et fés _et non subsidium_ _Comparata vita temporalis_ A l'eternelle es cieux felicité _Sine fine promissa non malis Sed electis_ qui ont adversité Aux quelz promise en la haulte cité La couronne dieu qui sans fin vie a _Magis mors est dicenca quam vita_ Le troisiesme chappitre Entens aussi car comme en la valee De misere tu languis ung pou cy Toute ta vie en decours tost allee Tu es en peine en douleur et soucy Malade ou vain de vertus povre aussi Plein de peché du corps et de l'ame ort En attendant prochainement la mort Et après mort mangé seras de vers Pource tousjours _vive deo gratus_ Et nuyt et jour en recordant ces vers _Toti mundo esto tumulatus Mundus corde transire paratus_ Monstrant exemple _omnibus tibique_ Car mort t'atant nuyt et jour _ubique_ O comme eureux l'omme et benoist sera Et son ame plaisant a jesus christ Qui nuyt et jour en son cueur pensera Les proverbes qui sont cy en escript Bien est conseillé celuy qui escript _Intelligit_ ces choses _et videt Novissima sapitque providet_ _Frater ergo time et diligas Deum tuum_ de cueur pur et parfait _Quid sapias et quid intelligas_ Desoresmais advisé en ton fait Ou aultrement tu es homme defait _Nisi serves supradicta dicta_ Que dieu pour nous a moyse escript a _Restat ergo modo providere Novissima_ par le conseil du sage _Qui nos in hoc voluit docere_ En ses escrips disant en son langage Que nous devons remambrer en courage Tousjours la fin aussi en tous nous euvres Pource cher frere il fault qu'en cecy euvres Et par ainsi tu ne pecheras point _Ineternum._ par quoy sauvé seras Mais encores scavoir te fault ung point Par le quel point sauvement tu auras C'est qu'a present tu t'apareilleras Disant je suis tout prest et conseillé D'estre au conseil de dieu appareillé. _Videlicet ut pacis capiam A cetero_ le chemin et la voye Le temps passé _etiam sapiam_ Et le present _intelligam_ et voye _Novissima pariter_ je pourvoye Que nous devons le temps futur entendre Si qu'après mort l'ame a dieu puisse rendre _Sed dic michi que sunt novissima Providere nisi terribilis Illa hora et amarissima In qua tua anima labilis Pauperrima et miserabilis_ Hors de ton corps tramblant vouldra saillir Quant les mauvais la vouldront assaillir Croy moy doncques toy qui peus ceci lisre Car se tu as consideration Du temps futur mieulx ameras elisre D'y pourveoir pour ta salvation Que du monde la domination Car comme lon dit la fin tousjours couronne Mais qui n'y pense il n'aura ja couronne _Frater ergo si bene saperes Que dei sunt_ tousjours dieu doubteroies Semblablement _si intelligeres Que mundi sunt_ les cieux desireroies Et en après se tu consideroies Que c'est d'enfer ta fin _provideres_ Et grant horreur en ton cueur _haberes_ Le quatriesme chappitre Qui est celuy de tous tes chers amis Et bons parens qui viendra par effort Pour toy aider a ta mort _cum armis Et gladiis_ pour te donner confort Certainement tu n'as parent si fort N'amy aussi ne verras a quelque heure De ton trespas qui t'aide ou te sequeure Deça dela assés regarderas Vers les hommes quant tu vouldras mourir S'ilz t'aideront mais tu ne trouveras Parent n'amy qui vueille a toy courir Ne qui te puisse aider ne secourir Mais ton refuge adoncques seulement Sera sans aultre. A dieu totellement. Cher frere _ergo_ pense _quo timore_ Est ce bon dieu _ubique timendus_ Repense aussi _tecum cum amore_ Est ce seigneur _semper diligendus Quo honore_ aussi _venerandus_ Qui en la mort seul donne _auxilium_ Et paradis _post hoc exilium_ _Reduc ergo_ et remembre en tes fais L'eure et le jour souvant que tu mourras Et des mesfais que piessa tu as fais Confesse toy le plus tost que pourras Car pas icy tousjours ne demourras Pource avant mort fais icy tant de bien Qu'après trespas ton ame voise bien _Hujusmodi consideratio_ Certainement conceoit contriction De cueur contrit _venit compunctio Compunctio_ prent contemplation Et tout selon la bonne affection Qu'on a en dieu par seure confience De son aide sa bonté et clemence Frere dy moy qui est la chose au monde Sur tous les ars qui plus facillement Face tenir en conscience munde Homme et femme comme avoir pensement Qu'on devient terre après trespassement Memoire aussi de sa corruption Et de la mort consideration Qui bien y pense il n'est iniquité Qu'il ne boutet tout hors de son courage Et qui ne vive en toute humilité Et saincteté tout le temps de son aage Jusqu'a la mort sans faire a nul dommage Par la quelle pour tout conclure en somme Et en effect est fait homme non homme _Hoc est quando ipse egrotescit Egrotando_ tousjours en acroisance Monte son mal et lors _expavescit_ L'omme pecheur tant qu'il pert cognoissance Et tellement que sa force et puissance Et sa vertu commance a decliner Ainsi se veoit en declinant finer Et a ceste heure horrible et perilleuse Que homme et femme qui sont vivent _nescit_ Advient chose terrible et merveilleuse C'est que le cueur pleure _et contremescit_ Le vis palist _facies nigrescit_ De plus en plus les yeulx _tenebrescunt_ Tournent en teste _et aures surdescunt_ En oultre plus la teste _constupescit_ Le sens default et de riens ne souvient Le nes sent mal _virtus exarescit_ Langue et bouche begue et muet devient La chair flatrist au cueur fraieur advient Et adoncques _carnis pulchritudo Efficitur fetor et putredo_ _Et sic homo in vermem vertitur_ Dedans la fosse ou on le fait descendre _Et ibidem statim resolvitur_ Comme dit est en porriture et cendre Vela fin que nous devons attendre Nous savons bien que nous trespasserons Et ignorons quant au trespas serons _Ecce frater satis spectaculum Horribile_ et trop espoventable _Sed est nimis utile speculum_ Qui bien s'i mire et a tous proufitable Pource pensons a ce jour redoubtable Et en vers dieu faisons si bon devoir Qu'en bon estat nous vuelle recevoir _Quia nulla artis medicina Sic superat_ d'orgueil le mauvais vice _Nec revocat sic ulla doctrina A peccato nec sic vincit_ malice _Nec extinguit_ luxure n'avarice _Nec sic calcat mundum_ la vaine gloire Comme d'avoir souvent de mort memoire Le cinquiesme chappitre Est il chose comme homme mort plus ville Du quel le corps _nunquam permittitur_ Estre en maison troys jours en champs ou ville Pour la pueur mais hors _projicitur_ Et au parfont de terre _absconditur_ Comme charougne a la terre donnee _Et vermibus_ viande abandonnee _Erubescat igitur_ l'orguilleux D'elacion _plenus et cecatus Et timeat_ dieu qui est merveilleux Le maleureux pecheur _de ire inflatus_ D'impatience _etiam fedatus_ Au quel plus plaist de platon la science Que du sage la vraie sapience Plus prend plaisir a recorder les fables Des poetes que la sainte doctrine Du saint apostre et des saints inefables Donc la terre l'escripture enlumine En delaissant la sainte loy divine Et aime mieulx la loy mondainne eslire Que recorder les faictz des saints et lire Le siziesme chappitre _Ex simili studio_ les mondains _Scientiam_ semblable a eulx convient C'est qu'ilz cueillent tant sont folz et soudains Fueilles assez mais les fruitz ne receoivent _Non virtutes sed verba_ apparceoivent De parolles ilz battent l'air souvent _Et proferunt_ leurs parolles au vent Ilz langaigent et en langaigent souvent Par ventence sans l'escripture ensuivre Leur voix en l'air tant que l'air en resonne Et de ceulx dit le psalmiste en son livre _Turbati sunt et moti sunt_ comme yvre Leur sapience est toute devouree Car d'eux n'est point science savouree Comme ung homme yvre ignore ce qu'il fait Et ou il va ainsi semblablement Les mondains clers folz seculiers leur fait Ne congnoissent au monde auchunement Tant est leur sens et leur entendement Mis et bouté en la mondanité Et leur science en folle vanité _Scientiam satis multiplicant_ Les grans livres et volumes ilz hument Et devorent _sed male applicant_ Car en leurs sens se conturbent et fument Et d'eulx maismes si grant orgueil presument Que leur science ilz ne pensent n'entendent Jusqu'a la mort la fin a quoy ilz tendent Et par ainsi les mondains clers s'abusent Qui de leur fin ne pensent ou font conte Et de leur sens et science mal usent Par quoy des siens dieu lassus ne les conte Et de telz clers saint bernard nous raconte Et dit moult sont qui bien science acquerent Mais pou en sont qui conscience querent _O utinam_ telz clers bien savourassent Entendissent ces choses et pourveussent Et nuyt et jour le temps considerassent Passé present et futur comme ilz deussent S'ainsi estoit meilleurs qu'ilz ne sont feussent _Mox percussi divino amore Preterriti etiam timore_ Et de l'estude aussi de vanité A l'estude de verité viendroient De l'estude de curiosité A l'estude d'umilité iroient Et par ainsi le chemin ilz prendroient _Scientie et sapientie_ En delaissant _viam stulticie_ De l'escolle luxure et pravité _Ad studium irent bonitatis_ Et de l'estude aussi d'iniquité _Ad studium irent sanctitatis Domo domum irent discipline_ Car utile est qu'on soi discipline Comme au psaultier par david recité Au second pseaulme est ainsi qu'on peut lire Le quel david dit _apprehendite Disciplinam_ affin que noustre sire Encontre vous auchunement ne se ire Et perissiés hors de la juste voie Pour prendre celle en la quelle on forvoye _O quam illa_ terrible et redoutable _Sentencia_ est a ceulx qui feront La voulenté de leur chair deletable Et en ce monde affligés ne seront _Qui etiam non apprehenderunt Disciplinam_ dont moyse nous dit Qu'ilz periront comme peuple maudit _Notanda sunt_ tresattentivement _Ista verba_ comment l'ame sera Du tout pardue après trespassement Qui devant mort ne la corrigera Affligera ou disciplinera C'est assavoir _per correctionem Morum cordisque contrictionem_ _Et ideo qui non susceperit Discipline et penitentie Modo tempus_ dela _non poterit_ Trouver n'avoir lieu _indulgentie Apud deum nec tempus gratie_ Car qui pourra vivant et ne vourra Quant il vourra mourant il ne pourra _Quapropter nunc_ pecheur plain de peché Charougne a vers que les vers point ne lessent Corps orguilleux de tout mal enteché Dont nuyt et jour les vermines se paissent Qui s'engendrent de toimesmes et naissent Vanité gette et d'orgueil te repren Luxure fuy et discipline pren _Ne pereas_ de la voye salvable Qu'ont tenu ceulx _qui sunt in superis_ Et regarde comme homme resonnable _Quid fuisti quid es et quid eris Videbis quod modicum cineris_ Tu fus tu es et après mort seras Ce sauras tu quant tu trespasseras Le septiesme chappitre Se tu penses que feras et com fus _Ante ortum_ et après naissement Jusqu'a ta fin te trouveras confus Tant y verras grant esbaïssement Se tu du tout metz en ton pensement Comme après mort seras et deviendras Pour povre et vil tousjours tu te tiendras Une aultre chose encore a penser as _Quod non pensas necque pensavisti_ C'est q'ung temps fut _in quo tu non eras Et postea in hoc mundo tristi_ Ou maternel ventre fait _fuisti_ De matiere orde _et cum putredine Menstruali nutritus sanguine_ Et en ce ventre ou tant vil habitoies _Ante ortum_ d'une orde peau qu'on nomme _Secundina_ envelopé estoies La quelle peau vest au ventre tout homme Qui vient d'adam qui mordit en la pomme Ainsi pour vray vestu et aourné Vins en ce monde en pleurs et paour né _Nec memores quomodo sit vilis_ Ta naissance miserable et fragile Et ta nature _abhominabilis_ Homme mortel meschant homme et debile Mais que te vault estre expert et abile Ne ton angin ne ta subtillité Quant rien ne vient a fruit ne utillité Rien ne te vault l'entendement parfont Raison aussi ne le doit pas permettre Car vraiement quatre choses te font _Frater quid es_ du tout en oubli mettre Comme escript est cy dessoubz en beau mettre C'est assavoir _forma mundi favor Opes atque juvenilis fervor_ _Hec quatuor_ de toy _abstulerunt_ La congnoissance _ibi totaliter_ Et de ton cueur les yeulx _velaverunt Et clauserunt etiam taliter_ Que tu ne peus les choses _firmiter Suspicere_ qui sont celestielles Tant est fiché aux choses temporelles _Quid est homo ex parte corporis Vis tu ferre_ saint bernard nous afferme _Dicens homo est saccus stercoris_ Viande a vers tresord et puant sperme Conceu et fait de matiere et de germe En tenebres au ventre de la mere Dont la naissance est a la mere amere Pour quoy est l'omme orgueilleux et pervers Pour quoy monte homme en exaltation _Vita labor_ et tribulation _Nasci pena et mori_ necessaire Puisque orgueil est a son ame adversaire Homme orguilleux pour quoy te devestu D'umilité qui tant est gracieuse _Cur impugnas_ pour quoy aussi ves tu Ta chair pouldre de chose precieuse Pour quoy mets tu chose delicieuse Sur ta chair cendre en delictz trop nourrie Puis qu'en terre sera bien tost pourrie Le huytiesme chappitre Robes de soye ou de fin drap d'or n'as Vestu ta chair que a plaire _hominibus Et animam tuam non adornas_ En ce monde _bonis operibus Nec decoras sanctis virtutibus_ Qui est a dieu _et ejus angelis Presentanda post mortem in celis_ Que ne fais tu en ce monde tandis Que tu es vif ton ame a dieu plaisante _Cur animam tuam vilipendis Et preponis ei_ ta chair puante C'est grant abus et chose trop meschante Que de souffrir la dame _ancillari Et ancillam_ aussi _dominari_ Et se du dictz _non possum spernere Istum mundum_ n'aussi semblablement _Carnem meam odio habere_ Tant l'aime fort et naturellement Je te demande homme d'entendement Or me respon et assavoir mon dy En quel lieu sont _amatores mundi_ Le .ix. chappitre Qui nagaires bonne chere faisoient Avecques nous en joye et en liesse En grant honneur et en grant bruit estoient N'a pas longc temps en pompe et en richesse Or ont passé leur temps et leur jeunesse Et d'eux au monde on n'a point de demeure Fors que la cendre et les vers ne demeure _Ergo modo_ pense qui sont et furent Hommes furent comme toy et regnerent Semblablement ilz mangerent et burent Ainsi que toy et rirent et jouerent _In bonisque dies suos_ menerent De harpe aussi et d'aultre instrument dirent _Et in puncto_ es enfers descendirent _Ibi caro eorum vermibus_ Est donnee se sont choses creables Et leur ame pardela _ignibus Deputatur_ entre les mains des dyables Jusques atant que leurs corps miserables Et leur ame après le jugement Soient en feu perpetuellement Car pour certain tous ceulx qui en delices _In hoc mundo socii fuerunt_ Et qui une amour conjoinct et lie en vices Une peine mesme aussi souffreront Certainement ceulx _qui peccaverunt_ Ensemble icy et sont en couple uniz Seront dela d'une peine pugnis Leur gloire icy que leur a proufité Richesse aussi _brevis leticia_ Puisqu'en enfer sont en necessité Que leur valut _mundi potentia Mala_ aussi _concupiscentia_ Grande famille et volupté charnelle Puis que dela sont en peine eternelle Ou est david et salomon le sage _Absalonque vultu mirabilis_ Ou est sanson de force et de courage Tant merveilleux _dux invincibilis_ Et alixandre _incomparabilis_ Aristote tules et sa loquence Dont tant piteuse en fut la consequence _Tot presules_ et roys _mundi hujus Tot principum ducumque forcia_ Mort mect au bas mort mect en la fin jus Car contre mort trop peu de force y a _Tot proceres tot retro spacia_ En ung moment _omnia clauduntur Revertuntur_ en terre _et truduntur_ Le .x. chappitre Les empereurs roys ducs contes et princes Jadis regnans que sont ilz devenus Les empires royaulmes et provinces Tindrent soubz pié mais _nichilominus_ Laissé ont tout et en terre mis nus Mangés de vers sont et leurs corps pourris Qui furent tant bien parés et nourris Aux eglises regarde et cymetieres Sans ceulx qui sont autre part entassés Et aux charniers et aux aultres frontieres Les ossemens de tant de trespassés Las en verras d'ungs et d'aultres assés Mais tu n'auras d'aucun d'eux congnoissance Qui fut noble homme ou vilain de naissance Se descendu tu es du sang royal Ou d'aultre lieu que bien noble on renomme Pour quoy veus tu se tu n'es desloyal Que virtueux et noble homme on te nomme Noble et vilain vindrent du premier homme Mais tant soit noble il est vilain parfait Qui vilain fait a son escient fait T'est il advis que sus en paradis Soit saint pierre pourtant s'il fut pecheur Plus bas q'ung roy si le roy fust jadis Plus hault que luy sur terre homme pecheur Tu n'orras pas prescher a bon prescheur _Quod acceptor personarum_ soit dieu Car les plus bas met souvent en hault lieu Mais les mauvais puissans _evidenter_ Divers tormens souffreront puissanment _Juxta illud potentes potenter Patientur_ tormens incessanment Par l'euvangile on peut savoir comment Ceci est vray ou il fait mention _De divite_ mis a dannation _Ubi risus ubi jactantia Ubi jocus et ubi_ arrogance _De tanta hic_ joye _et leticia Quanta illic_ et tristesse et meschante Après luxure arderont sans doubtance Et de leur feste et exultation Seront de la en tribulation Car comme on dit _in apocalipsi_ Ceulx qui deça se glorifieront En delices _in inferno ipsi_ Divers tourmens sans fin endureront Et de tant plus comme ilz s'exausseront De tant plus fort seront humiliés Et des liens de l'ennemi liés Et tout ce qu'est escheut ou escherra Aux desusdictz te peut il eschoir Et s'il leur est mescheut ou mescherra Semblablement te peut il meschoir Et aussi bien peux errer et choir Comme ilz sont cheus et comme ilz ont erré Car tu es homme _et de limo terre_ _In quam terram cras vel modo Carissime frater reverteris_ Car tu mourras et ne sçais _quomodo Ubi quando nec diem funeris Et postquam scis quod tu morieris_ Et mort t'atant par tout pour deceveoir Soies par tout prest pour la recevoir Soions tousjours comme les sages vierges En attendant les peuples desja prests Qui leurs lampes plus ardantes que cierges Tindrent cleres en faisant leurs aprests D'estre aux nopces bien parees après Le grant seigneur _sponsum immortalem_ Affin d'entrer dedans hierusalem Trescher frere _si carnem sequeris_ C'est a dire luxure auchunement Saiches pour vray _quod punitus eris_ En l'autre monde _in carne_ proprement Si vestemens tu quiers pour ornemens Ta couverture _erunt vermes certe Et tinea sternetur super te_ Car dieu qui est tresraisonnable juge Fort patient et doulx ne jugera Jamais homme ne n'a jugé ne juge Tant est juste que selon qu'il fera Car il rendra _secundum opera_ Peine aux mauvais qui l'auront desservi Et joye aux bons qui l'auront bien servi _Qui diligit_ plusfort _mundum istum_ Qui tant est faulx mauvais et decevable _Quam dominum nostrum jesum christum_ Et a ce ciel plus que cloistre aggreable Gloutonnie que abstinence amiable Et est lubrique en la fin _peribit_ Le dyable ensuyt et en enfer _ibit_ O du pecheur _anima misera_ Qui n'as icy tant soit peu de demeure _O peccator miser considera Diem mortis_ que tu ne sçais ne l'eure Ton temps pardu sur toutes choses pleure _Meditando_ en quelle part yra Ta povre ame quant elle partira Quant tu seras _in ultima gravi Morbitate et ad mortem ductus_ En attendant que tu soies ravi _Inter maris infernalis fluctus Ubi semper clamor est et luctus_ La quelle mer est de pleurs toute pleine Pense en quel dueul tu mourras et quelle peine Pense en quelle peine et en quantes douleurs L'omme est _inter longa suspiria_ Pense comment en diverses couleurs Son visage est quant tel martire y a Quantes paours _quanta martiria_ Sentira l'omme et plus qu'oncques martir Quant de son corps vouldra l'ame partir _Tunc veniet corpus in palorem_ Viande a vers _erit atque vermis Convertetur_ en cendre _et fetorem_ Quant il sera en terre o les vers mis Tout alentour seront les ennemis Dudit corps mort pour en devorer l'ame Devant qu'il soit en terre soubz la lamme Le unziesme chappitre Or pense en toy qui te confortera A ceste heure quant l'ame vouldras rendre Qui sera ce qui te rachetera Des ennemis quant ilz te vouldront prendre Di moy comment tu te pourras defendre Quant tu verras de dyables si grant nombre Et seras mis de tenebres en l'ombre Quant tu verras plus d'une legion Adversaires pour ton ame destruire Qui sera ce qui en la region Incongneue te pourra lors conduire Ou pourras tu trouver secours ne fuire Comment pourras eschapper des peris Ton ame tant trouvera desperis Le doziesme chappitre Au jour aussi te vueille souvenir Du jugement _quam subito_ doit estre Au quel fauldra bons et mauvais venir C'est assavoir les bons du costé destre Et les mauvais d'autre part a senestre Pour rendre a dieu conte des dictz et faictz Qu'on aura cy pourpensés dictz et faicts Et en ce jour horrible qui viendra _In corpore prout gesserimus_ Soit bien soit mal dieu alors nous le rendra _Et secundum hec que fecerimus Ibi ante judicem erimus Rationem omnes reddituri_ Et sa sentence aussi _audituri_ C'est assavoir venés _benedicti_ Ceste parolle aux benoists dieu dira Et aux mauldis _ite maledicti_ Les quelz sans fin en enfer pugnira En corps et ame ainsi chacun ira En gloire ou peine en sa place ordonnee La sentence du grant juge donnee La ne vauldroit _cum presentaberis_ Sillogismes fallaces ne deffences De tes pechés _tu accusaberis_ Non pas des faitz ne des grandes offences Tant seullement ne de ce que tu penses _Corde malo et malicioso Et de omni verbo occioso._ _Angelorum cunctis agminibus_ Tous tes pechés clerement _patebunt Similiter et sanctis omnibus_ Visiblement _ibi apparebunt Et sic omnes_ tes vices _videbunt_ Non seulement _cogitationum. Sed actuum et locutionum_ _Ille judex_ ton accuseur sera Et _ante_ luy les saincts te jugeront Ta conscience aussi te jugera Tous esperis la contre toy seront Bons et mauvais les quelz t'acuseront Et _sic deus tunc non parcet tibi Angustie erunt_ par tout _ibi_ Car d'ung costé sera mis chacun vice En t'acusant de ton iniquité Et d'aultre part la terrible justice _Subtus patrus_ d'enfer l'obscurité _Judex saper_ en furosité La conscience ardente par dedans Et par dehors _totus mundus ardens_ Helas helas toy pecheur en ce point Deprehensus ou fouyras n'en quel place La ne verras ne ne trouveras point Qui voie ou lieu pour t'en fuir te face Dieu te verra ou quel devant la face Intollerable _erit apparere Et impossibile etiam latere_ La sentence du juge redoutable Sur toy pecheur maudit et douloureux _Semel lata_ sera inrevocable Ce jour amer terrible et paoureux Et tost après les bourreaux rigoureux _Sentencia data_ intollerable Te meneront en torment pardurable Le .xiii. chappitre Non seulement _eris in tormento Sed tormentis_ tousjours sans intervalle Car la sans fin _et temperamento_ Seront tormens en la fosse infernalle Ou il fauldra que ton corps on avalle Plein de macule et ton ame polue Par ta vie mauvaise et dissolue Trop grant paour et doubte vehemente _Turbabunt te_ lors que tu escherras En ce torment qui plus que aultre tormente Et devant toy la terre ouvrir verras Pour trangloutir et tout a coup cherras Le .xiiii. chappitre _In caminum ignis exardentis Et in stannum sulphuris fetentis_ _Carnem tuam ignis exterius_ En cest estain de souffre brulera Semblablement _vermis interius_ Ta conscience en enfer rongera Torment en feu et souffre fouffrera Ton ame et corps ainsi _sine fine_ Se tu as mal ton temps ici finé Tous les tormens d'enfer surmontera _Privatio dei visionis_ Ceste chose moult te tormentera Pareillement _et carere bonis Que tempore acquisitionis_ C'est assavoir _dum vivens fuisti Acquirere bene potuisti_ _Ibi loca patebunt penarum Atque chaos_ qui est confusion _Caligoque umbra tenebrarum_ Douleur fraieur horrible vision Angoisse et dueil haine et division Chartre obscure _tribulationis_ Et profond lac _desperationis_ La en ardeur _inextinguibili_ Seront ouys _clamores flentium_ La en froidure _inenarrabili_ Seront ouys _stridores dentium_ La on orra _voces gementium Peccatorum dicentium ve ve Ve iterum ve filiis eve_ Le xv. chappitre. _Ubi ignis est materialis Inestinguibile_ et froit inenarrable _Famus fetor vermis immortalis Timor dolor_ et peine intollerable _Mors corporis et anime_ durable Tousjours sans fin sans espoir ne mercy Et plus d'orreur qu'on ne peut nommer cy _Quis poterit_ en ce feu perilleux En tenebres _aut cum sempiternis Ardoribus_ n'en ce froit merveilleux _Habitare_ labas _in advernis_ Ou les dannés sont tous ars et ternis _Et facies eorum combuste Qui in vita vixerunt injuste_ Quant ses tormens desusdictz treshorribles L'ame en enfer _que dannata erit_ Endurera et d'aultres trop terribles _Plusquam dici potest nec poterit Audierit viderit senserit Qualis quantus et quam magnus timor Terror erit_ en elle _atque tremor_ _Que mens potest penas et tormenta Cogitare nec lingua dicere Quis poterit_ en si grans _tormenta Habitare sive remanere Et quis liber potest exponere_ Ce que saint pol en enfer ravi vit Qui des vivans _nunc in terra vivit_ _Quid proderunt illis cupiditas Dignitates sive potentie Quid proderunt pompaque vanitas Mundi hujus sive jactantie Quid proderunt illis scientie_ Des bien d'aultruy faulse detention _Honorisque_ mondaine ambicion _Quid proderunt illis appetitus Luxurieque superfluitas Cibi sive cibus exquisitus Dulcis potusque curiositas_ Du vestement _et speciositas_ Du chaussement _etiam crapula Ebrietas procedens a gula_ _Quid proderunt_ je t'en fais la demande Des haulx chateaux _alta constructio Quid proderunt_ aussi je te demande Des grans maisons _hic acquisitio Quid proderunt tunc aggregatio_ De richesses puis qu'en la fin tout fault Et que raison rendre au juge il en fault _Nunquid in hoc mundum defecerunt Dimittendo se sic decipere Nunquid viam_ aultre _potuerunt_ Que ceste cy plus seure _arripere Et animam suam eripere Rugientis de ore leonis_ Et de fauce _horrendi drachonis_ _Hanc igitur lectionem legat_ Qui d'amour est mondaine _implicatus In peccatis atque se protegat_ Qui du vice est lubrique _excecatus_ Au quel plus plaist tant est _hebetatus Cadaveris lubrici voluptas_ Que de son ame _integra sanitas_ _Et plus studet hanc vitam terrenam Circa martham_ dont la vie est active _Quam celestem circa magdalenam_ Dont la vie es est cieulx contemplative _Et de mundo_ qui vie est transitive _Vult plus esse et lege mundana Quam de christo et lege divina_ _Consideret diligenter_ et voye _Metuendam semitam_ qu'il tiendra Et bien specule en ce mirouer la voye _Et premissis_ en la quelle il viendra Et le chemin tenebreux qu'il tiendra Les mains aussi par ou le fault passer Quant de ce monde il vouldra trespasser _O peccator stultissime quare Discrectio tua ista nescit Quare non vis hec considerare_ Et pource en toy grant orgueil _tumescit Luxuria etiam flamescit_ Avarice _similiter ligat_ Et en ton cueur paresse _fatigat_ Ta pensee _non ista cogitat_ Et envie _non vult hoc videre_ Par quoy en toy _ira exagitat Atque gula vult te occidere Quia non vis ista previdere_ Pource en ton ame ou grant malice y a _Excruciat semper malicia_ _Quam horrida et quam innumera Sunt tormenta_ c'est chose non pareille _Frigus ignis fetor et cetera_ Ton oeil ne vit ne oyt ton oreille En ta vie l'orreur qu'on t'apareille Après ta mort si bien tu ne t'en gardes Et ne t'en chault ne point tu n'y regardes _Et idcirco sepe efficeris_ Comme a tout mal faire _destinatus Hic contumax igitur tu eris In tormentis predictis dannatus_ Puis que tu es ainsi _obstinatus_ Et ne te veulx de tes pechés douloir Ne n'as aussi de t'amender vouloir _Quia sicut vir contempciosus A divino opere recedis Et ut piger et accidiosus Negligenter ad deum accedis_ Ne ne prens garde a ses faits n'a ses ditz Ne n'as vouloir d'y mettre amendement Ne de obeir a son commandement Le .xv. chappitre _Quare quia providere non vis_ Devant trespas _post mortem quo vadis_ Ne pensement tu n'as n'en toy advis Que ton temps passe _et in mortem cadis_ Dont la gloire tu pers de paradis Ou les benoists en la joye ou iront De quatre dons principaulx jouiront Premierement de _de fruitione Dei patris_ les benoists _gaudebunt_ Secundement _et de visione Celi justi qui ut sol fulgebunt_ Auront liesse _et quia videbunt_ Assés d'aultres creatures moult belles Precieusement cleres et corporelles Après de la glorification Du corps avec l'ame _similiter_ Quant ilz auront l'association Des saintz anges et hommes _pariter_ Quant ilz pourront _perpetualiter_ Lassus user de ces dons et jouir Bien se devront amer et resjouir _Pater atque natus cum flamine_ Ung dieu en trois _ibi videbitur_ Face a face _sine velamine amabitur atque laudabitur Ibi justus_ sans fin _letabitur_ Car il aura jeunesse sans vueillesse Vie sans mort et joie sans tristesse La est tousjours lumiere sans tenebre La est beauté _que nunquam palescit_ La tousjours feste et nopces on celebre La est amour _qui nunquam tepescit Senectusque que nunquam marcescit Ibi nullus gemitus auditur Ibi malum nec dolor sentitur_ La _omnia genera insonant Musicorum_ en jubilation La _immensa domini resonant Epulantes_ en exaltation La oit on voix de consolation _Quia deus_ qui les acorde y a Mis paix sans fin _sine discordia_ _Ibi nichil quod deest amatur_ Rien ne deffault _in illa curia Ibi nichil quod absit optatur_ La est tout bien _sine penuria_ La _voluntas sine injuria Regnum sine commutatione_ Et paix _sine perturbatione_ Et en ce lieu ou est _leticia Pax caritas fides fortitudo Prudentia et temperantia Justicia et mansuetudo_ En deux s'estent _hec beatitudo_ C'est qu'on est las de tout mal en l'asence Et de tout bien aussi en la presence Saint paul qui fut _spiritualiter Raptus dicit oculus non vidit Nec audivit auris similiter Neque in cor hominis ascendit Hoc quod deus hic_ sa jus _descendit Preparavit diligentibus se_ Lassus es cieulx comme ung tresor muscé _O quam felix_ l'ame la hault _erit Que videre deum creatorem Ipsum patrem luminis poterit Siderumque lune conditorem Prepotentem cunctorum factorum Sempiternum solem justicie Genitoremque sapientie_ _Frater michi dic supplico tibi Quantum festum quanta jocunditas Qualis amor esse potest ibi Que dulcedo quanta suavitas Quantus splendor que lux que caritas_ Ou on voit dieu _lumen in lumine_ Dont paradis est tout enluminé _Ibi est lux_ enluminant le jour _Et perennis vita viventium Dulcis melos_ sans fin et sans sejour _Patriaque dux redeuntium Et corona spes morientium Morientes pro christi nomine Qui passus est mortem pro homine_ La est honneur _decus et dignitas_ La est _candor lucis estivalis Vernalisque semper amenitas_ Et abundance aussi _autompnalis_ La est repos sans fin _hiemalis_ La voit on gloire et chose après mort telle Qu'oncques ne vit creature mortelle O doulce vie _o vita vitalis O superna et clara civitas_ Ou est _vita semper memoralis Sine morte atque securitas Et secura semper tranquillitas Tranquillaque_ aussi joieuseté _Et jocunda_ sans fin beneureté _Felix_ aussi la est _eternitas Eterna lux_ joie et beatitude _Et beata spes nostri trinitas_ Qui nous a fait a sa similitude Et jectés hors de mort et servitute Et de chartre infernale et maudite Pour nous donner la vie dessusdicte En la quelle benoiste et sainte vie _Perducat nos creator cunctorum_ Et après mort soit nostre ame ravie _Inter choros omnium sanctorum Angelorum et archangelorum_ Ou nous puissons voir sans fin sa face Amen amen amen ainsi se face Cy finist le mirouer des pecheurs S'ensuit le second livre nommé l'exortation des mondains tant gens d'eglise que seculiers Balade pour avoir paix a dieu et au monde Pour contempner toutes richesses et pour amander sa vie Refrain Par ce moyen nous aurons tousjours paix De par le roy de justice assaulx faits Soubz l'estendart paré d'aversité De querir armes sont souvent pour les faits Du peuple enflé et plein d'iniquité Rempli d'orgueil vuide d'umilité Dont mainte eglise illustrante et cité Mise a esté bas arse et desconfite Et mains vaillans la saison preterite De glesve occis pourtant chacun s'acquite Et selon dieu vive desores mais Destruite ainsi sera guerre mauldite Par ce moyen nous aurons tousjours paix Pense ung chacun qu'il portera son faiz Et qu'après mort sera resuscité Pour rendre a dieu conte de ses meffais En jugement ou il sera cité La luy sera tout son temps recité La dieu dira aux benoists _venite_ Et aux maudis _ite_ ceste voix dicte Chacun aura droit selon son merite Les mauvais gloire et lyesse infinite Et les dannés tristesse a tousjours mais Las pensons y car c'est chose licite Par ce moyen nous aurons tousjours paix Prince mortel nostre vie est petite Et nous suit mort a tout son dart subite Pourtant faisons des biens plus qu'oncques mais Tant qu'après mort nostre ame es cieulx habite Par ce moien nous aurons tousjours paix Le second chappitre Balade contre ceulx et principallement gens de court qui ayment ce maleureux monde pour lesser la vie eternelle Refrain Homme deffait et a perdition Las et pour quoi prens tu si grant plaisir Home abusé plain de presumption. En ce faulx monde ou n'a que desplaisir. Envie orgueil guerre et dissention. Qui maleureuse est ton affection Que penses tu as tu plus grant envie De vivre en doubte en ceste courte vie Qui les mondains a la mort d'enfer maine Que seurement vivre en vie certaine Las tu sces bien se tu n'es insensible Que c'est chose forte voire impossible D'avoir ça jus ton aise entierement Et après mort lassus pareillement Helas pourtant change condition Et te ravise ou tu es aultrement Homme deffait et a perdition Le quel veult tu ou vie ou mort choisir Choisi des deux tu as discretion Ayme tu mieulx de ton corps le desir Pour ton ame mettre a dampnation Que vivre un peu en tribulation Et qu'après mort soit ton ame ravie En gloire es cieulx qui de nul deservie Estre ne peut en ceste vie humaine S'il ne laisse terre avoir et demaine Et pere et mere et tout s'il est possible Et vivre en paine et en labour terrible Ensuivant dieu tousjours paciemment C'est le chemin qui conduit seurement Après trespas l'omme a salvation Et qui va aultre il va a dempnement Homme deffait et a perdition Cuide tu ci tousjours avoir leisir D'avoir pardon sans satifation Et toute nuit en beau lit mol gesir. Puis asejours sans operation Passer le jour en delectation Tant que du tout ta char soit assouvie Penses tu point qu'il faille qu'on define Helas oi car mort vendra soudaine Et prengne fin la plaisance mondaine Une heure a toi atout son dart horrible Si tresacop comme chose invisible. Que pas n'auras lesir aucunement De dire a dieu _peccavi_ seulement Ainsi morras tost sans contricion Dont tu seras par divin jugement. Homme deffait et a perdition Homme en peril saiches certainement Que se tu n'as aultre vouloir briefvement De t'amender n'autre devotion Tu te verras ung jour subitement Homme deffaict et a perdition Le .iii. chappitre Balade et exortation a tous prelatz d'eglise pour despriser soy et le monde et mener saincte vie Refrain Mais sçais tu quant demain par adventure Ou aujourd'uy pourtant donne toy garde Homme mortel creé de terre et fait Du createur formé a la semblance Las recongnois le bien que dieu t'a fait Puis que tu es homme privé d'enfance Remanbre toy et ayes souvenance Cueur dur ingrat rempli de vanité Du hault degré et de la dignité Ou dieu t'a mis indigne creature Tant riche et noble eslue en prelature Dont tu rendras conte estroit quoy qu'il tarde Mais sçais tu quant demain par adventure Ou aujourd'ui pourtant donne toy garde Homme arme toy contre l'eure future Forte et dure car mort de la pointure Te picquera de sa cruelle darde Mais sçais tu quant demain par adventure Ou aujourd'uy pourtant donne toy garde Le .iiii. chappitre Ballade proufitable et utile contenant les principalles joies de paradis et les peines d'enfer Refrain Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse Puis qu'ansi est qu'il nous faille fenir Et après fin conte a dieu de tout rendre Las desoresmais vueillons nous maintenir Si saintement sans taiche et sans mesprendre Qu'a l'eure horrible ou mort nous vouldra prendre Nostre povre ame a present vicieuse Soit de vertus tant riche et precieuse Que voler puisse en la haulte cité Ou est plaisir joie et felicité Salut vertus feste et paix pardurable Vie sans mort beauté santé jeunesse Le pris povoir et force insuperable Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse Pourtant vueillons par cueur bien retenir Tous ces poins cy et a bien faire entendre Siqu'après mort nous puissons parvenir Au hault royaume ou nous devons tous tendre Qui tant riche est que sens ne peut comprendre La voit on dieu o face glorieuse La oit on son o voix melodieuse La ont les corps impassibilité Agilité clarté subtillité Et les ames sapience admirable Puissance honneur sureté et lyesse Concorde amour et gloire inseparable Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse Las nous voions tous les jours mort venir Qui est la fin que nous devons attendre Et ne sçavons que puent revenir Les esperis quant les corps sont en cendre Les bons vont sus les mauvais fault descendre En une chartre obscure et tenebreuse Ou est vermine immortelle angoisseuse Misere ennuy faulte et necessité Faim soif pleur cri et toute adversité Horreur fraieur paeur inenarrable Mort sans mourir desespoir et tristesse Feu sans lumiere et froit intollerable Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse O mauvais riche enflé d'iniquité Rude aux povres las que t'a proufité Ton riche habit ta plantureuse table Puis que tu es povre pour ta richesse Et as soif ore et faim insaciable Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse Le .v. chappitre Balade pour aprendre a bien mourir et renuncier du tout au monde Refrain Pour bien mourir et vivre longuement Puis qu'ansi est que la mort soit certaine Plus qu'autre rien terrible et douloureuse Et que chose ne peut estre incertaine Plus qu'en est l'eure horrible en angoisseuse Et soit si briefve et partant perilleuse Las nostre joie en ce val miserable Il m'est advis pour le plus convenable Que nous devrions du tout entierement Mettre soubz pié ce monde pou durable Pour bien mourir et vivre longuement Delaissier doit toute joie mondaine Et mener vie humble et religieuse Qui monter veult a la tressouverainne Cité des cieulx qui tant est glorieuse La contempler doit tousjours l'ame eureuse Qui aime dieu et het euvre de dyable Suivre les bons estre a tous charitable Soy confesser souvent devotement Et messe ouyr qui tant est proufitable Pour bien mourir et vivre longuement Trop s'abuse tout homme qui demaine Orgueil en luy et vie ambicieuse Quant il sçait bien que la mort tout amaine Qui vient souvant soubdainne et merveilleuse Mais doit penser la passion piteuse Du redempteur et la peine doubtable D'enfer sans fin qui est inenarrable Le jour hatif du divin jugement Et ses pechés comme sage notable Pour bien mourir et vivre longuement O mortel homme et ame raisonnable Se tu ne veulx estre après mort dannable Tu dois le jour une fois seulement Penser du moins ta fin abhominable Pour bien mourir et vivre longuement Le .vi. chappitre Balade pour acquerir le tresor des cieulx et despriser toutes richesses terriennes Refrain Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre Puis que la chartre obscure de tristesse Mere de dueil qui joie desherite Thesauriser ne peut n'avoir richesse Nul prisonnier qui en sa fosse assiste Sans charge d'ame et de corps exercite Et que tout bien terrien se decline De cueur contrict la majesté divine Requerons tous qu'après mort aspre et dure Le beau tresor desploier et destendre Nous vueille es cieulx qui tousjours sans fin dure Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre La verrons nous sa face et sa haultesse En son royaume ou beauté se delicte La verrons nous la court et la noblesse De sa mere qui ne peut estre dicte Des apostres le palays et l'eslite Et des martirs la sale et gloire fine Des confesseurs la chappelle tresdigne Et des vierges le temple et l'amour pure La nostre cueur doit soupirer et tendre Pour vivre au lieu de tous biens sans mesure Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre Qui aujourd'uy regne au monde en jeunesse Pense en son cueur que sa vie est petite Et que ces deux maladie et viellesse Pour le mener droit a la mort subite Le suivent près et selon son merite Aura après joie ou dueil sans termine Pourtant congneu que tout ainsi se fine Et sommes cy de perdre en adventure Vivons en dieu si bien qu'après mort rendre Nous nous puissons des cieulx a l'ouverture Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre Prince mortel du monde et de nature Faillent les biens et devenons tous cendre Pourtant d'avoir paradis mettons cure Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre Cy finist l'exortation des mondains Cy c'ensuit le mirouer de dames et damoiselles et l'exemple de tout le sexe femenin Mirés vous cy dames et damoiselles Mirés vous cy et regardés ma face Helas pensés se vous estes bien belles Comment la mort toute beauté efface Comment beauté humaine tourne plus a desplaisir après mort qu'elle ne pleut en vie Je fus jadis tant belle et tant plaisante Que de beauté j'estoie l'exemplaire Et ores suis tant laide et desplaisante Que plus desplais qu'oncques je ne peus plaire La fin des beaux cheveux et du chief atourné Las et que sont maintenant devenus Les beaux cheveux de mon chief atourné De l'orde terre estoient tous venus Et en terre s'en est tout retourné La fin des beaulx ieulx Las comment sont mes beaux ieulx vers changés Et de ma face aussi tout le surplus Las tellement les ont les vers mangés Qu'on n'i voit plus que les partus sans plus La fin de la beauté de la face Las advisés hors ma face et dedans Qui jadis fut tant belle et coulouree Laissé n'i ont le vers fors que les dens Las bien peu m'est ma beauté demouree La fin du beau col Las je souloie aussi droit q'une tour Avoir le col plus blanc que lis et beau Environné d'ung collier d'or autour Et maintenant plus noir est q'ung corbeau La fin de la beauté de la poitrine Las maintenant qu'est aussi devenue Ma poitrine tant blanche et tant refaite Las qui la voit maintenant toute nue Horreur en a tant est laide et deffaite La fin de la beauté des mains et des piés Las et ou est la beauté de mes mains Aornees de diamens richement Las et ou sont pour denser soirs et mains Mes piés polis chaussés mignotement La fin de la beauté du corps Las ors souloit mon corps estre tenu Tant bel et gent et souefment nourri Et maintenant qui l'advise tout nu Conte n'en fait ne que d'un sac pourri La fin des precieux vestemens Las de draps d'or de damas et de soye Jadis souloie estre toute couverte Et maintenant fault que d'une serqueul soie Envelopee et demi descouverte La fin des riches fourreures Las je souloie estre jadis d'ermines Toute fourree et de fins menus vers Et maintenant je porte les vermines Et me rongent les gros et menus vers La fin des sumptueux edifices Las je souloie avoir mes beaulx logis En hauls palais chambres et lis parfons Et en ung coffre a present desclos gis Desoubz la terre ou les vers sont au fons La fin du demainne terres possessions et revenues Las je souloie avoir si grant demainne Possessions terre et revenue Et ores suis par mort qui tout amainne Tant miserable et povre devenue Ci s'ensuit du grant renom et de la domination Las j'avoye du temps que j'estois vive Si grant renom et domination Et maintenant si petit n'est qui vive Qui n'ait de moy abhomination Des biens de fortune qui ne durent rien Las fortune jadis tant me prisa Que des prisés estoie en tout prisee Et par la mort qui tout mon pris prins a Des desprisés suis ore desprisee Comment les plus belles sont après mort finees Las près de moy jadis on se tenoit Et maintenant chacun de moy s'eslongne Ma grant beaulté chacun veoir venoit Et on me fuit comme une orde charongne Bon exemple de la mort qu'on deviendra Las remirez qu'après respas serés Ne plus ne moins mon fait le vous figure Et recordés que vous trespasserez Et porterés comme moy la figure Comment beauté devient horrible après mort Las tant belle m'avoit faicte nature Que ma beauté les cueurs des beaulx perçoit Et ores n'est si laide creature. Qu'il n'est horreur si tost qu'il m'apersoit Comment beauté fault acoup Or est toute ceste beauté passee Plus tost que vent en ainsi peu d'espace Et tout acoup suis jeune trespassee Et perdue se dieu ne me fait grace Comment par beauté on pert souvent l'ame Las de beauté que j'ay peu nommer ci Que perdue ai ne du corps soubz la lame Ne me chault ja se dieu me fait merci Si que sans fin n'en soit perdue l'ame Comment pour gloire terrienne on pert la gloire eternelle pour estre danné Mais c'est pitié quant pour joie si briefve On pert des cieulx la gloire en ung moment Pour estre en dueil tousjours dont plus en griefve Ung jour que si deux cens jours de tourment Comment honneur plaisance et estat mondain faillent acoup Que vault honneur doncques qui tant peu dure Que vault estat qui si tost devient cendre Que vault plaisance en corps si plain d'ordure Que vault monter pour si tost bas descendre Comment il fault rendre conte de tout après mort Que vault pompe ne bruit qui si tost fault Las mieulx vauldroit le moien estat prendre Puis qu'on sçait bien qu'en la fin il en fault Tresestroit conte au juste juge rendre La fin des plus belles du viel testament Las et ou sont celles qui piessa furent Dont les beautés raconte mainte histoire Judich hester qui tant grant beauté eurent Dont mention fait la bible et memoire La fin de la beauté des plus belles de jadis Las et ou sont de helaine et lucresse Les grans beautés et de sidoine aussi Faillies sont et mortes en destresses Passé long temps et vous mourrés aussi Comment domination dure peu et est tost oubliee. après mort On me souloit nommer maistresse et dame Et plaisir faire et service jadis Et maintenant je ne saiche au monde ame Qui dist pour moi ung seul _de profundis_ Conclusion qu'on doit si bien vivre sur terre qu'on puisse acquerir vie eternelle es cieulx Helas pourtant vous qui regnés sur terre Dont après mort on ne fera plus conte Vivés si bien devant qu'on vous enterre Qu'après mort vifs dieu en sa court vous conte Cy finist l'exemple des dames et damoiselles et de tout le sexe femenin -------------------------- NOTES SUR LA TRANSCRIPTION L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. Néanmoins pour faciliter la lecture, on a distingué les lettres i/j, u/v, et introduit cédilles, apostrophes et accents. Les symboles d'abréviation conventionnels ont été remplacés par les lettres correspondantes (exemple: Comme au lieu de Cõme). On a corrigé une douzaine de cas de substitution entre lettres de forme semblables (qni pour qui, Dt pour Et, etc.), non signalés ici en détail. On a rendu _entre signes soulignés_ les mots latins imprimés dans l'original en caractères plus petits. --- Provided by LoyalBooks.com ---