RELATION ORIGINALE DU VOYAGE DE JACQUES CARTIER [Illustration: VUE DU MANOIR DE JACQUES CARTIER.] RELATION ORIGINALE DU VOYAGE DE JACQUES CARTIER AU CANADA EN 1534 DOCUMENTS INÉDITS SUR _JACQUES CARTIER ET LE CANADA_ (NOUVELLE SÉRIE) PUBLIÉS PAR H. MICHELANT ET A. RAMÉ Accompagnés de deux portraits de Cartier et de deux vues de son Manoir [Illustration: JACQUES CARTIER] PARIS LIBRAIRIE TROSS 5, RUE NEUVE-DES-PETITS-CHAMPS, 5 1867 _M. d'Avezac, dont il faut toujours citer l'ingénieuse et profonde érudition lorsqu'il s'agit de recherches sur l'histoire de la géographie, se plaignait naguère, et non sans raison, de l'indifférence que les Français avaient apportée en tout temps à faire valoir leurs découvertes; il regrettait surtout que le récit du premier voyage de Jacques Cartier au Canada ne nous fût parvenu que par des traductions. En effet, le plus ancien qui ait paru en France, de l'aveu de l'éditeur, n'est qu'un travail de seconde main dont on ignore l'origine, car cette version, sur quelques points, s'écarte de celle de Ramusio, de beaucoup antérieure, sans cadrer exactement avec celle que nous a conservée Hakluyt, qui diffère également des deux autres. Du reste, on s'aperçoit aisément qu'elle n'a pu être l'oeuvre ni de Cartier, ni d'aucun de ses compagnons de voyage, surtout si on la rapproche de la relation du second voyage, que l'on croit pouvoir attribuer soit au chef, soit à un des marins de l'expédition. Celle-ci, par le style autant que par l'orthographe, révèle une main inexpérimentée, plus habile à guider un navire sur l'océan et affronter les tempêtes qu'à manier une plume. On arrive donc à cette conclusion, qu'au XVIe siècle il existait trois relations du récit du premier voyage de Cartier, une en italien, celle de Ramusio, une en anglais, publiée par Hakluyt, et une troisième que nous ne connaissons pas, celle que Raphaël du Petit-Val a fait traduire en 1598, pour en donner une édition française. Il est à supposer qu'il n'a agi ainsi que faute d'avoir pu se procurer une rédaction originale, qui seule, en reproduisant exactement les faits, eût permis d'apprécier l'exactitude de l'auteur et de régler la créance que l'on pouvait accorder à ses allégations. L'importance qu'elle eût offerte alors n'a pas diminué aujourd'hui, et nous croyons qu'il y a encore quelque intérêt pour nous à posséder la source primitive des différentes versions étrangères, c'est-à-dire la première relation, qui a dû être rédigée par Cartier lui-même (la supposition selon nous la plus vraisemblable) ou du moins par un de ses compagnons de route. Elle n'a pu évidemment être écrite qu'en français, dans le langage habituel des marins, et spécialement des marins bretons, c'est-à-dire avec des locutions provinciales, des incorrections compensées par un emploi plus exact des termes propres à la profession maritime et à l'art nautique. A ce point de vue, nous pouvons essayer un rapprochement curieux entre la version de Raphaël du Petit-Val et la publication de 1545, reproduite si soigneusement par M. d'Avezac, qui attribue à Cartier la relation du second voyage. Quoique ce dernier texte paraisse déjà amélioré, puisqu'il s'écarte dans maint passage des trois versions manuscrites de la Bibliothèque impériale, qui ne sont pas non plus identiques entre elles, on peut remarquer que la langue en est beaucoup plus incorrecte que la traduction de 1598. Si, au contraire, nous venons à le comparer avec celui que nous publions, on y remarquera de nombreuses analogies d'expressions, de tournures, d'idiotismes, nous dirons mieux, d'incorrections et de fautes qui décèlent une même origine. Il n'est pas nécessaire de les signaler en détail, elles frappent au premier coup d'oeil; et sans qu'il soit besoin d'insister plus longuement, il nous paraît résulter non moins clairement du récit lui-même qu'on peut l'attribuer avec assurance à Cartier, quoiqu'il ait évité avec soin de se désigner expressément. Cependant, malgré ses précautions pour cacher sa personnalité sous des termes généraux, tels que:_ nous partîmes..., nous arrivâmes..., _il se trahit quand il lui échappe de dire:_ Je nomme icelle isle saincte Katherine... (p. 7.) _Or ce droit appartenait exclusivement au chef de l'expédition, et le chef c'était Jacques Cartier. Parfois il se laisse entraîner à émettre son opinion personnelle par ces mots:_ j'estime... p. 11; j'ai seu... (p. 12); je presume mielx que aultrement à ce que j'ai veu... (p. 20); _et la façon modeste avec laquelle il nous dit:_ Icelluy fut nommé le hable Cartier... (p. 7) _ne fait que confirmer notre hypothèse, car toute autre personne de l'équipage n'eût pas manqué d'observer que c'était en l'honneur du capitaine, ce que celui-ci voulait au contraire éviter, en relatant simplement le fait. Au surplus, voici le point capital: la relation que nous publions est bien la version primitive, écrite par un homme peu lettré, parlant le français en usage dans la partie de la Bretagne qui avoisine Saint-Malo, en un mot l'original qui a dû servir aux diverses traductions publiées antérieurement. Quant aux variantes que présentent ces divers textes, elles sont légères et s'expliquent facilement par des erreurs de copistes, des fautes de lecture ou des bévues de traducteurs. Cette pièce (no 5, portefeuille LVII de Fontette) porte pour suscription:_ Voyage de Jacques Cartier, 1544. _Malgré ces chiffres, on ne saurait regarder cette date comme rigoureusement exacte; mais pour quiconque a l'habitude des manuscrits de cette époque, il est facile de lui en donner une approximative qui ne s'en écarte guère. La simple vue fait reconnaître une écriture de la première moitié du XVIe siècle, qui, par son aspect général, se rapproche singulièrement de divers documents de la même collection (voy. Port. XXVII, p. 70), qui remontent aux années 1533-35. La relation occupe dix-sept feuillets dont les douze premiers, écrits avec netteté, semblent annoncer une copie soignée; mais ensuite l'écriture se lâche, les abréviations se multiplient, se compliquent, et la lecture, facile au début, devient sur la fin d'une difficulté extrême. Nous avons reproduit ce texte aussi scrupuleusement que possible, et nous ne nous sommes permis que les modifications que réclamait impérieusement l'impression. Nous avons ajouté en appendice une pièce qui nous a paru assez curieuse en ce qu'elle établit et résume exactement les découvertes faites par les Français et les Anglais dans l'Amérique du Nord. Elle est postérieure à 1630, puisqu'elle relate des faits arrivés à cette époque, dont elle se rapproche beaucoup par l'écriture; quoiqu'elle ne soit pas signée, elle offre l'aspect d'un document officiel et prouve que déjà alors on s'était préoccupé de déterminer les droits respectifs des deux nations. L'intérêt qui s'attache au pilote malouin a engagé l'éditeur à enrichir sa publication de deux portraits de Cartier, dont l'un se trouve à l'hôtel de ville de Saint-Malo, et l'autre au département des estampes de la Bibliothèque impériale. De son côté, M. Ramé, infatigable dans ses recherches, a recueilli une nouvelle série de documents précieux sur l'histoire du Canada, qui nous apprennent quels rapports ont existé jusqu'en 1619 entre la colonie et la province où était né celui qui avait découvert cet immense territoire. M. Ramé a fait plus, il a su attacher un intérêt artistique à sa nouvelle collection, par la description de l'ancien manoir de Jacques Cartier, dont le souvenir ne se conservera plus qu'au moyen des croquis que nous devons au crayon de notre collaborateur._ [Illustration] [Illustration] VOIAGE DE JACQUES CARTIER Apres que Missire Charles de Mouy, chevallier, seigneur de la Milleraye et Visadmiral de France, eut prins les sermens et faict jurez les Cappitaine, maistres et compaignons desditz Nauires de bien et loyaulment soy porter au seruice du Roy soubz la charge dudit Cartier, Partimes du havre et port de Sainct Malo auecques lesdits deux nauires du port d'enuiron soixante tonneaulx chaincun, esquippez les deux de soixante ung homme, le vigntiesme jour d'Apuril oudit an, Mil cinq cens trante quatre; et auecques bon temps nauigans et vinmes à Terre Neuffue le dixiesme jour de May, et aterrames à Cap de Bonne viste estans en quarente huyt degrez et demy de latitude et en...... degrez de longitude. Et pour le grant nombre de glasses qui estoint le long d'icelle terre, nous conuint entrer en vng haure nomme Saincte Katherine estant au Su Surouaist d'iceluy Cap, enuiron cinq lieues où fumes l'espace dix jours, attendant nostre temps et acoustrant noz barques. Et le XXIe jour dudit moys de May, partismes dudit hable auecques vng vent de Ouaist, et fumes portez au Nort, vng de Nordeist de Cap de Bonne viste, jucques à l'isle des Ouaiseaulx, laquelle isle estoit toute avironnée et circuitte d'vn bancq de glasses rompues et departies par pièces. Nonobstant ledit banc, noz deux barques furent à ladite isle pour auoir des ouaiseaulx, desqueulx y a si grant numbre, que c'est vne chosse increable, qui ne la voyt; car nonobstant que ladite isle contienne enuiron vne lieue de circumferance, en soit si très plaine qu'i semble que on les ayt arimez. Il y en a cent plus à l'enuiron d'icelle et en l'oir que dedans l'isle, dont partie d'iceulx ouaiseaulx sont grans comme ouays noirs et blancs, et ont le bec comme vng corbin, et sont tousiours en la mer, sans jamais pouoir voller en l'air pour ce qu'ilz ont petites aesles, comme la moitié d'vne; de quoy ilz vollent aussi fort dedans la mer, comme les aultres ouaiseaulx font en l'air; et sont iceulx ouaiseaux si gras que c'est vne chosse merueilleuse. Nous noumons iceulx ouaiseaulz _Apponatz_ desqueulx noz deux barques en chargèrent, en moins de demye heure, comme de pierres, dont chaincun de noz nauires en sallèrent quatre ou cinq pippes, sans ce que nous en peumes mangier de froys. Dauantaige, y a vne aultre sorte d'ouaiseaulx qui vont en l'air et en la mer, qui sont plus petiz, que l'on nomme _Godez_, qui se ariment et meptent à ladite isle soubz les plus grans. Il y en avoit d'aultre plus grans, qui sont blans, qui se mettent à part des aultres en vne partie de l'isle, qui sont fort mauuaiz à assallir; car ilz mordent comme chiens et sont nommez _Margaulx_. Et néantmoins que ladite isle soyt à quatorze lieues de terre, les ours y passent à no de la grant terre pour mangier desdits ouaiseaulx, desquelx noz gens en trouuèrent vng, grant comme vne vache, aussi blanc comme vng signe, qui saulta en la mer dauent eulx; et le lendemain qui est le jour de la Penthecouste, en faisant nostre routte vers terre, trouuames ledit ours enuiron le my chemin, qui alloit à terre aussi fort que nous faisions à la voille; et nous, l'ayant aperceu, luy baillames la chasse o noz barques et le prinmes à force; la chair duquel estoit aussi bonne à mangier comme d'vne génise de deux ans. Le mercredi, XXVIIe dudit moys, nous arivames à l'entrée de la baye des Chasteaulx, et pour la contrarieté du vent et du grant nombre de glaces que trouuasmes, nous conuint entrer dedans vng hable, estant aux enuirons d'icelle entrée, nommé le Rapont où nous fumes sans en pouair sortir jucques au neuffiesme jour de Juign, que en partismes pour passer o l'aide de Dieu oultre: ledit Rapont est en cinquante et vng degrez et demy de latitude. _Description de la terre dempuis Cap Rouge jucques au hable de Brest, estant en la baye._ La terre, dempuis Cap Rouge jucques au Degrat, est la pointe de rentrée de la baye, gist de cap en cap Nort Nordest et Su Surouaist; Et est toute ceste partie de terre à isles adiaczantes et près les vnes des aultres, qu'il n'y a que petites ripvières par où bateaux peuent aller et passer parmy; Et à celle cause y a plusseurs bons hables dont ledit hable du Rapont et celuy du Degrat sont en l'vne d'icelles isles, icelle qui est la plus haulte de toutes, ou dessurs de laquelle l'on voyt clairement les deux belles isles qui sont près Cap Rouge, où l'on compte vignt cinq lieues; audit hable de Rapont y'a deux entrées, l'vne vers l'Est et l'aultre vers le Su de l'Isle; mais il se fault donner garde de la bande et pointe de l'Eist, car se sont bastures et pays somme; Et fault renger l'isle de l'Ouaist à la longueur de demy cable ou plus près qu'il veult, et puis s'en aller surs le Su vers le Rapont; et se fault donner garde de trois basses qui sont soubz l'eau on chenal devers l'isle de l'Est. Il y a de fontz par le chenal troys ou quatre brasses et beau fons; l'autre entrée gist Est Nordest et Su vers l'Ouaist à saultez à terre. Partant de lappointe du Degrat et entrant en ladite baye, faisant l'Ouaist, vng quart du Norouaist, l'on double deux isles qui demeurent de babort, dont l'vne est à trois lieues de ladite pointe et l'autre enuiron sept lieues de la premiere, qui est platie et basse terre, apparoissante estre de la grant terre. Je nomme icelle isle Saincte Katherine, au Nordest de laquelle y a hesiers et mauuais fons enuiron vng quart de lieue, par quoy luy fault donner Run. Ladite isle est le hable des Chasteaulx gissent Nort Nordest et Su Surouaist, Et y a entreulx quinze lieues; et dudit hable des Chasteaulx au hable des Buttes, qui est la terre du Nort de ladite baye, gisante Est Nordest et Ouaist Surouaist, y a entr'elx doze lieues et demye; Et à deux lieux dudit hable des Buttes est le hable de la Balaine; le travers duquel hable, sçavoir à tierce partie de la trauersée de ladite baye, y a trante huyt brasses et font de taygnay. Dudit hable de la Ballaine jucques à Blanc Sablon y a... lieues audit Ouaist Surouaist, et se fault donner garde d'vne basse qui est sur l'eau, comme vng bateau, au Suest dudit Blanc Sablon. Trois lieues hors... Blanc Sablon est vne couche où il n'y a point d'abry de Su ny du Suest; Et y a au Su Surouaist d'icelle couche deux isles, dont l'vne a nom l'isle de Bouays et l'autre l'isle des Ouaiseaulx, où il y a grant nombre de _Godez_ et de _Richars_ qui ont le bec et les piedz rouges et hairent dedans des pertuis soubz terre, comme connins. Ayant doublé un cap de terre qui est à vne lieue de Blanc Sablon, y a vng hable et passaige, nommé les Islettes, qui est milleurs que Blanc Sablon et là se faict grant pescherie. Ondit lieu des Islettes, jucques à vng hable nommé Brest audit art de vent y a dix lieues. Celuy hable est en cinquante et vng degrez, quarente, cinquante cinq mynuttes de latitude et en... de longitude. Dempuis les Islettes jucques audit lieu y a isles et est ledit Brestz en isles; Et dauantaige, rangeant la coste à plus de troys lieues hors, sont toutes isles à plus de doze lieues loingn dudit Brest; quelles isles sont basses et voyt on les haultes terres par dessurs. Le dixiesme jour dudit moys de Juign entrames dedans ledit hable de Brest o nos navires, pour auoir des eaux et du boays. Et nous parez et passez outre ladite baye, et le jour saint Barnabé, après la messe ouye, nous allames o noz barques oultre ledit hable, vers l'Ouaist, descouurir et veoir quelz hables il y avoit. Nous passames parmy les isles qui sont en si grant nombre qu'il n'est possible les sçavoir nombrez, qui contiennent enuiron dix lieues oultre ledit hable. Nous couchames en l'vne d'icelles isles pour la nuyt passez et y trouuames en grant quantité d'oeufs de cannes et aultres ouaiseaulx, qui hairent est isles: lesdites isles furent nommées Toutes Isles. Le lendemain, dozeiesme, nous persumes oultre lesdites isles; et à la fin du fort d'icelles nous trouuames vng bon hable qui fut nommé Saint Anthoine; Et oultre, enuiron vne lieue ou deux, nous trouuames vne petite ripuiere fort parfonde, qui a la terre au Surrouaist, Et est entre deux haultes terres. C'est vng bon hable, et fut planté vne croix audit hable et nommé Sainct Seruan; au Surouaist dudit hable et ripuiere, enuiron vne lieue, y a vng islot ront comme vng four, auironné de plusseurs aultres plus petiz islotz, qui donne congnoissance desdits hables. Plus oultre, à dix lieues, y a vne aultre bonne ripuiere plus grande, où il y a pluseurs saulmons; Nous la noumasmes la ripuiere Sainct Jacques. Estans à icelle, nous aperseumes vng grant nauire qui estoit de la Rochelle, qui auoit passé la nuyt [cherchant] le hable de Brest, où il pensoit aller faire sa pescherie; et ne sçauoint où ilz estoint. Nous allames à bort auecques noz barques, Et le mysmes dedans vng aultre hable à vne lieue plus à Ouaist que ladite ripuiere Sainct Jacques, Lequel je pencze l'vn des bons hables du monde; Et iceluy fut nommé le hable Jacques Cartier. Si la terre estoit aussi bonne qu'il y a bons hables, se seroit vng bien; mais elle ne se doibt noumer Terre Neuffue, mais pierres et rochiers effrables et mal rabottez, car en toute ladite coste du Nort, je n'y vy vne charetée de terre, et si descendy en plusseurs lieux; fors à Blanc Sablon, il n'y a que de la mousse et de petiz bouays avortez; fin, j'estime mieulx que aultrement que c'est la terre que Dieu donna à Cayn. Il y a des gens à ladite terre qui sont assez de belle corpulance, mais ilz sont gens effarables et sauuaiges. Ilz ont leurs cheueulx liez sur leurs testes en faczon d'vne pougnye de fain teurcze et vng clou passé par my ou aultre chosse, Et y lient aulcunes plumes des ouaiseaulx. Ilz se voistent de peaulx de bestes, tant hommes que femmes; mais les femmes sont plus closes et serrées en leurs dites peaux et sçaintes par le corps. Ilz se paingnent de certaines couleurs tannées. Ilz ont des barques en quoy ils vont par la mer, qui sont faictes d'escorche de bouays de boul, o quoy ilz peschent force loups marins, Dempuis les avoir veuz, j'ay seu que là n'est pas leur demeurance et qu'ilz viennent des terres plus chauldes, pour prendre desditz loups marins et aultres choses pour leur vie. Le XIIIe jour nous retournasmes o nos dites barques à bort pour faire voille, pour ce que le temps estoit bon; Et le dymenche, XIIIIe, fysmes chanter la messe et le lundy, XVe, appareillames dudit Brest et fysmes la routte sur le Su, pour auoir la congnoissance de la terre que nous y voyons aparaisante à deux isles. Mais quant nous fumes au mytan de la baye ou enuiron, nous congneumes que s'estoit terre ferme, dont y auoit gros cap double, l'un par dessus l'autre; Et pour ce le noumames cap Double. Au parmy de la baye sobzdames à cent brasses et fontz curé. Il y a de traverser de Brest audit cap Double, enuiron vignt lieues; Et à cinq ou six lieues souldames à quarente brasses. Nous trouuames ladite terre estre gisante au Nordest et Surrouaist, vng quart du Nort et du Su. Le landemain, XVIe dudit moys, nous sillames le long de la coste au Surouaist, vng quart du Su, enuiron trante cinq lieues, dempuis cap Double où trouuames des terres à montaignes moult haultes et effarables, entre lesquelles y a vne apparoissante estre comme une granche, et pour ce noumames ce lieu les monts de Granches. Icelles haultes terres et montaignes sont hachées et creuses, Et y a entre elles et la mer des basses terres. Ladite journée auparavant n'auions eu congnoissance d'aultre terre pour les bruines et obscurité du temps qu'il faisoit, et au soir nous aparut une faulte de terre, comme vne entrée de ripuiere, entre lesdits mons des Granches et vng cap qui nous demouroit au Su Surouaist, enuiron trois lieues de nous. Celuy cap est par le hault de luy tout rongné et par le bas vers la mer, est à poincte; Et pour ce le noumames cap Pointu; au Nort de luy, à vne lieue, y a vne isle platte. Et pour ce que voullymes auoir congnoissance d'icelle entrée pour veoirs s'il y auoit aulcune bonne posée et haure, mysmes la voille bas pour la nuyt passez. Le lendemain, XVIIe dudit moys, nous eumes tourmente de vent du Nordeist et mysmes an pepefil à courrir et à la cappe, et fysmes de chemin, vallant le Surouaist, trante sept lieues jucques au jeudy matin que nous estions le travers d'une baye plaine de isles rondes comme coulonbiers. Et pour ce leur donnames à nom les Coulonbiers et la baye Sainct Jullian, de laquelle jucques à vng cap qui demeure au Su, vn quart du Surouaist, qui fut nommé Cap Royal, y a sept lieues; Et à Ouaist Surouaist dudit cap y a vng aultre cap qui est bien rongné par le bas de luy et rond par le hault, au Nort duquel, enuiron demye lieue, y a une isle basse. Celuy cap fut nommé Cap Delatte. Entre cestz deux caps y a terres basses, par dessurs lesquelles y en a de moult haultes, en semblance de y auoir ripuieres. A deux lieux de cap Royal y a vignt brasses de parfont et la plus grande pescherie de grosses molues qui soit possible; desquelles mollues en prynmes, en attendant notre conpaignon, plus d'un cent, en moins d'un heure. Le landemain, XVIIIe jour dudit moys, le vent nous fut contraire et grant vent et retournames vers cap Royal cuider trouver hable. Auecques nos barques fumes descouurir entre ledit cap Royal et cap Delatte, et trouuames que parsurs les basses terres y a vne grande baye fort parfonde et isles dedans, laquelle est close deuers le Su desdites basses terres, qui font vng costé de l'antrée et cap Royal l'autre. Lesdites basses terres s'auancent en la mer plus de demye lieue de pays plat et mauuais fons, et au parmy de l'entrée y a un isle. Ladite baye est en quarente huyt degrez et demy de latitude et en... degrez de longitude. Celuy jour ne trouuames hable pour poser et tynmes pour la nuyt à la mer, le cap à Ouaist. Dempuis ledit jour jucques au XXIII e jour dudit moys, qui est le jour saint Jehan, eumes tormente et vent contraire et serraison, tellement que ne peumes auoir congnoissance de terre jucques audit jour saint Jehan, que nous eumes congnoissance d'vn cap de terre qui nous demouroit au Suest, qui, à nostre esme, nous demouroit au Surouaist de Cap Royal, enuiron trante cinq lieues; et celuy jour fist bruimes et mauuais temps et ne peumes approcher de ladite terre; et pource que s'estoit le jour Monsgr saint Jehan, nommames le cap sainct Jehan. Le landemain, XXVe jour, fist mauuais temps, obscur et venteux et fymes courrir à Ouaist Nourouaist partie du jour, et le soir nous mysmes en trauers jucques au segond quart que apparoillames; et lors, par nostre esme, estions au Norouaist vng quart d'Ouaist dudit cap sainct Jehan, dix sept lieues et demye. Et lorsque appareillames, le vent estoit Norouaist, et fymes courrir au Surouaist quinze lieues, et vynmes trouver trois isles, dont y en auoit deux petittes et acorez comme murailles, tellement que possible n'est de monter dessurs, entre lesquelles y a vng petit forillon; Icelles isles aussi plaines de ouaiseaux que vng pré de herbe, qui heirent au dedans d'icelles isles, dont la plus grande estoit plaine de _Margaulx_ qui sont blancs et plus grans que ouays; Et en l'autre y en auoit pareillement en vne quantité d'elle, et en l'autre plaine de _Godez_, et au bas y auoit paroillement desdits _Godez_ et des grans _Apponatz_ qui sont paroilz de ceulx de l'isle dont est cy dauant faict mencion. Nous descendisme au bas de la plus petitte et tuames de _Godez_ et de _Apponatz_ plus de mille; et en prinmes en noz barques ce que nous en voullumes. L'on y eust chargé en vne heure trante icelles barques. Nous nommames icelles isles, isles de Margaulx. A cinq lieues desdites isles estoit l'autre isle, à Ouaist d'elles, qui a enuiron deux lieues de long et autant de leise. Nous y fumes posez pour la nuyt pour auoir des eaux et du bouays à feu. Icelle isle est rangée de sablons et beau fons et possaige à l'antour d'elle, à seix et à sept brassez. Ceste dite isle est la milleure terre que nous ayons veu, car ung arpant d'icelle terre vault mielx que toute la Terre Neufue. Nous la trouuames plaine de beaulx arbres, prairies, champs de blé sauuaige, et de poys en fleurs, aussi espes et aussi beaulx que je vis oncques en Bretaigne, qu'ilx sembloient y avoir esté semer par laboureux. Il y a force grouaiseliers, frassiers et rosses de Provins, persil et aultres bonnes erbes de grant odeur. Il lui y a entour icelle ille plusieurs grandes bestez, comme grans beuffz, quelles ont deux dans en la gueulle, comme dans d'olifant, qui vont en la mer; De quelles y en avoict une qui dormoict à terre à la rive de l'eau. Et allames o nos barcques pour la cuydez prandre; mais incontinant que fumes auprès d'elle, elle se gecta en la mer. Nous y vimes paroillement des ours et des renarz. Celle ille fut nommée l'ille de Bryon. Aux enuiron d'icelles illes y a de grandes marées, qui portent comme Suest et Norouaist. Je présume mielx que aultrement, à ce que j'ay veu, qu'il luy aict aulcun passaige entre la Terre Neuffue et la terre des Bretons. Sy ainsi estoit, se seroit une grande abreuiacion, tant pour le temps que pour le chemyn, se se treuue parfection en ce voyage. A quatre lieues de ladite ille, il luy a vng beau cap que nommames cap du Daulphin, pour ce que c'est le conmancement des bonnes terres. Le XXVIIe dudit moys de Juin nous rangeames ladite terre, qui gist Est Nordest et Ouaist Surouaist, et semble de loing que se soinct butterolles de sables, pour ce que se sont terres basses et araineusses. Nous ne pumez allez ny dessandre à icelles pour ce que le vent en venoit, et les rangeames celluy jour, enuiron quinze lieues. Le landemain rangeames icelle terre enuiron X lieues, jusques à vng cap de terre rouge, qui est vng cap rongné, au dedans duquel y a vne ainze qui s'abat au Nort et poys soume; il luy a vng sillon et perroy qui est entre la mer et vng estanc. D'icelluy cap de terre et estanc à vng aultre cap de terre y a enuiron quatre lieues; ce fant la terre en demy cercle et tout rangé de sablons faictz comme vng fossé, par sur lequel et oultre yceluy, y a comme maniere de marestz et estancq, tant comme l'on peult voires. Et auparavant ariuez au premier cap y a deux petittez illes assez près de terre; Et à cinq lieues dudit second cap, y a vne ille au Surouaist qui est moult haulte et pointue, qui par nous fut nommée Allezay. Le premier cap fut nommé le cap St. Pierre, pour ce que le jour dudit sainct y ariuames. Dempuix ladite ille de Bryon jusques audit lieu y a beau fons de sablon et certaine sonde, qui asoumist, comme l'on aproche de terre. Egallement, à cinq lieues de terre y a vignt cinq brassez et à une lieue doze brassez, bort a terre seix brassez et partout beau fons; et pour ce que vouillons abuoir plus emple cognoissance dudit paroige, mismes les voilles bas et en trauers. Et le lendemain, peneultime jour dudit moys, le vent vint au Su, vng cart de Surouaist, et fismes couriz jusques au mardi derroin jour dudit moys, sollail à l'Est, sans auoir congnoissance d'aulcune terre, fors que le soir, sollail reconsant, nous vysmes terre aparoissante comme deux illes, que nous demeuroict à Ouaist Surouaist, enuiron IX. ou X. lieues. Et celuy jour fismes à Ouaist jusques au landemain, sollail à l'Est, enuiron quarante lieues; Et faissant chemyn, eusmes la congnoissance de ladite terre que nous auoit aparut comme deux illes, que c'estoit terre ferme que gissoit Su Suest et Nort Norouaist jusques à un cap de terre moult beau, nommé cap d'Orléans. Toute ycelle terre est basse, vnye, la plus belle qui soict possible de voir et plaine de beaulx arbres et prairies; mais en icelle ne peumes trouuez hable, pour ce que c'est basse terre et poys soume et toute rangée de sables. Nous y fumes en pluseurs lieulx o nos barcques, et entre les aultres, dedans une belle ripuiere de peu de fons, où vysmes des barcques de sauuaiges, qui trauersoinct ladite ripuiere qui, pour ce, fut nommée ripuiere de Barcques; Et n'eumes aultre congnoissance d'eulx, pour ce que le vent vint de la mer qui chargeoict alla coste et nous conuint retires o nosdites barcques à nos nauires. Et fysmes couriz au Nordest jusques au landemain, sollail à l'Est, premier jour de Juillet, alla quelle heure vingt brumes et serraison, et mysmes les voylles bas jusques enuyron dix heures qu'il esclardit; et eumes congnoissance dudit cap d'Orléans, et d'un aultre qui en demeuroict enuiron sept lieues au Nort, vng cart du Nordest, qui fut nommé le cap dez Sauuaiges, au Nordest duquel, enuiron demye lieue, y a ung hessier et bancq de pierres fort dangereux. A celuy cap nous vint vng homme qui couroict apres nos barcques, le long de la coste, qui nous fessoict pluseurs signes que nous retournissions vers ledit cap; et nous, voyans telz signes, commanczames à nages vers luy, et luy voyant que retournyons, commencza à fuir et à s'en couriz dauant nous. Nous dessandimes à terre dauant luy et luy mysmes vng cousteau et vne saincture de laine sur vne verge, et puix nous en allames à nos nauires. Celuy jour rangeames ladite terre, neuff ou dix lieues, pour cuydez trouuez hable, ce que ne peumes; car comme j'ay cy dauant dit, c'est terre basse et soume. Nous y dessandimes celuy jour en quatre lielx, pour voir les arbres, quelx sont merueilleussement beaulx et de grande odeur, et trouuames que c'estoinct cedres, iffz pins, ormes blans, frainnes, sauldres, et aultres pluseurs à nous incongneuz, touz arbres sans fruictz. Les terres où il n'y a bouays, sont fort belles et toutes plaines de poys, grouaiseliers blans et rouges, frasses, franboysses et blé sauuaige, comme seille; quel il semble y abuoir esté semé et labouré. C'est terre de la meilleure temperance qui soict possible de voir et de grande chaleur, et y a pluseurs teurtres et ramyers et aultres ouaiseaulx; il n'y a faulte que de hables. Le landemain, second jour de Juillet, nous apersumes la terre au Nort de nous qui tenoict o celle de dauant toute rangée, et congneumes que c'estoit vne baye qui a enuiron vignt lieues de parfont et autant de trauersée. Nous la noumasme la baye Sainct Limaire. Nous fumes au cap de deuers le Nort o nos barcques, et trouuames le pays sy soume que a plus et vne lieue de terre, ne y abuoict que vne brasse d'eau. Au Nordest dudit cap, enuiron sept ou ouict lieues, nous demeuroict vng aultre cap de terre, et entre les deux y a vne baye, en maniere de triangle, qui estoict moult parfonde, dont le plus loign que pussion voirs d'icelle nous demeuroict au Nordest, et estoict toute rangée de sablons, pays soume; à dix lieues loign de terre y a vignt brasses de parfont; dempuix ledit derrenier cap jusques audit bout et cap de terre y a quinze lieues, et nous estans le trauers dudit cap, apersumes aultres terres et cap qui nous demeuroict au Nort vng cart du Nordest, tout alla veue. La nuyt fist mauuais temps et grant vent, et nous conuint meptre alla cappe jucques au matin, tier jour de Juillet, que le vent vint à Ouaist et fysmes porter sur le Nort pour auoir la congnoissance de ladite terre qui estoit vne haulte terre, qui nous demeuroict au Nort Nordest par sur les bassez terres, entre lesquelles basses terres et les haultez y abuoict vne grande baye et ouuerture, où il luy abuoict cinquante et cinq brassez de parfont par aulcuns lieulx, et large de enuyron quinze lieues; et pour ladite parfondeur et laisse et changement de terres, eumes espoir de y trouues le passage, comme il luy a au passage des Chasteaulx. Icelle baye gist Est Nordest et Ouaist Surouaist, Et est la terre de deuers le Su de ladite baye aussi belle que boine terre, labourable et plaine de aussi belles champaignes et prairies que nous ayons veu, et vnye comme vng estancq; et celle devers le Nort est une terre haulte, à montaignes, toute plaine de arbres de haulte fustaille de pluseurs sortez, et entre aultres y a pluseurs cèdres et pruches aussi beaulx qu'il soict possible de voir, pour faire mastz suffisans de mastez nauires de troys cens tonneaulx et plus; en la quelle ne vysmes vng seul lieu vyde de bouays, fors en deux lieulx de basses terres, où il luy abuoit des prairies et des estancq moult beaulx. Le parmy de ladite baye est en quarante sept degrés et demy de latitude, et lxxiij degrés de longitude. Le cap de ladite terre du Su fut nommé cap d'Espérance, pour l'espoir que abuions de y trouues passaige; et le quart jour dudit moys, jour Sainct Martin, rangeames ladite terre du Nort pour trouues hable, et entraimes en une petite baye et couche de terre toute ouuerte deuers le Su, où il n'y a aulcun abry dudit vant, et la noumames la couche Sainct Martin; et fusmes dedans ladite couche dempuix le quart jour jusques au dozieme jour dudit Juillet. Et ce temps que nous fusmes en ladite couche, fusmes le lundi seixième, après auoir ouy la messe, avecquez vne de nos barcques pour descouuriz vng cap et pointe de terre qui nous demouroict à sept ou ouict lieues à l'Ouaist de nous, pour voir comme ladite terre se rabatoict; Et nous estans a demye lieue de ladite pointe, apersumes deux bandes de barcques de sauuaiges, qui trauersoinct de leur terre à l'austre où estoint, plus de quarante ou cinquante barcques, et dont l'une desdites bandes de barcques ariuoict alla dite pointe, dont il sautèrent et dessandirent à terre vng grand nombre de gens, quelx fessoinct vng grant bruict et nous fessoinct plusieurs signes que nous allissions à terre, nous montrant des peaulx sur des bastons. Et pour ce que n'auions que vne seulle barcque, n'y voullimes allez et nageames vers l'autre bande qui estoict alla mer; Et eulx voyans que nous fuyons, esquippèrent deux de leurs plus grandez barcques pour venir après nous, auecques lesquelles se bandèrent cinq aultres de celles qui venoint de la mer, et vindrent jusques auprès de nostre dite barcque, dansant et faisant plusieurs signes de voulloir nostre amytié, nous disant en leur langaige: _Napou tou daman asurtar_, et aultres parolles que n'entendions. Pour ce que n'auyons, comme dit est, que l'une de de nos barcques, ne nous voullysme fiez en leurs signes, Et leurs fysmes signes que eulx se retirassent, ce que ne voullirent; mes nagèrent de si grande force, qu'ilz avironnèrent notre dite barcque auecques leurs sept barcques; Et pour ce que, pour signe que nous leurs fissions, ne se voullirent retirez, nous leurs tirames deux passeuollans par sur eulx, Et lors ce mydrent à retournez vers ladite pointe, Et fidrent vng bruict merueilleusement grant, après lequel commancèrent à retournez vers nous comme dauant; et eulx estans jouxte nostre dite barcque, leur lachames deux lanses à feu, que passèrent parmy eulx, qui les estonna fort, tellement qu'ilz se mydrent alla fuyte à moult grant haste et ne nous suyuirent plus. Le landemain partie des dits sauuaiges vindrent auecques neuff barcques alla pointe et entree de la couche où estions possés o nos nauires; Et nous estans aduertiz de leur venue, allames o nos deux barcques alla dite pointe et entrée, où ils estoint; et incontinant qu'ilz nous aperczeurent, se mysdrent à fuyr, nous faisant signes qu'ilz estoint venuz pour trafiquer auecques nous, et nous montrèrent des peaulx de peu de valleur, de quoy ils s'acoulstrent. Nous leur fysmes paroillement signe que nous ne leur voullyons nul mal, Et dessandismes deux hommes à terre pour allez à eulx leurs portez des coulteaux et aulstres ferremens et vng chappeau rouge pour donnez alleur cappitaine. Et eulx, voyant ce, dessandirent partie d'eulx à terre auecques desdites peaulx, Et traficquèrent ensemble et demenèrent vne grande et merueilleusse joye d'auoir et recouurer desdits ferrements et aulstres chosses, dansans et faissant plusieurs serymonyes, en gectant de la mer sur leur testes auecques leurs mains, et nous baillèrent tout ce qu'ilz avoint, tellement qu'ilz s'en retournèrent touz nulz, sans aulcune chose auoir sur eulx, et nous fidrent signe que le landemain retourneroint auecques d'aultres peaulx. Le jeudi, VIIIe dudit moys, pour ce que le vant n'estoict bon pour sortir o nos nauires, esquippames nosdites barcques pour allez descouuriz ladite baye, et courumes celuy jour dedans enuiron XXV lieues; Et le landemain, au matin, eumes bon temps et fysmes porter jusques enuiron dix heures du matin, à laquelle heure eusmes congnoissance du font de ladite baye, dont fusmes dollans et masriz; au font de laquelle baye y abuoict par dessur les bassez terres des terres à montaignes moult haultes; et voyant qu'il n'y abuoict passaige, commanczames à nous en retournez. Et faisant nostre chemyn le long de la coste, vismes lesdits sauuaiges sur l'orée d'un estanc et basses terres, qu'ilx fessoint plusieurs feuz et fumées. Nous allames audit lieu et trouuames qu'il luy abuoict une entrée de mer qui entroict oudit estanc, et mysmes nosdites barcques d'un costé de ladite entrée. Lesdits sauuaiges passèrent o vne de leurs barcques et nous aportèrent des pièces de lou marin tout cuict, qu'ilz mysrent sur des pièces de bouays, et puis se retirèrent, nous faissant signe qu'ilz les nous donnoint. Nous enuoyasmes deux hommes à terre avecques des hachotz et cousteaulx, patenostres et aultre marchandie, de quoy ilz demenèrent grande joye; Et incontinant passèrent alla foulle, o leurs barcques, du costé où estions, auecques peaulx et ce qu'ilz abuoint pour abuoir de nostre marchandie; et estoint en numbre, tant hommes, femmes que enffens, plus de troys cens, dont partie de leurs femmes que ne passèrent, danczoint et chantoint, estantes en la mer jusques aux jenouz. Les aulstres femmes qui estoint passées de l'aultre costé où estions, vindrent franchement à nous et nous frotoint les bratz auecques leurs mains, et puix leuoint les mains joingtes au ciel, en fessant plusieurs signes de jouaye; et tellement se assurèrent auecques nous que enfin marchandames, main à main auecques eulx, de tout ce qu'ilz abuoint, qui est chose de peu de valleur. Nous congneumes que se sont gens qui seront fassilles à conuertir, que vont de lieu en aulstre, viuant et prenant du poysson au temps de pescherie pour viure. Leur terre est en challeur plus temperée que la terre d'Espaigne, et la plus belle qui soict possible de voir, et aussi eunye que vng estanc. Et n'y a cy petit lieu vide de bouays et fust sur sable, qui ne soit plain de blé sauuaige, qui a l'espy come seilgle et le grain conme auoyne, et poys aussi espez conme si on les y abuoict semez et labourez, grouaiseliers blans et rouges, frassez, franbouaysses et roses rouges et aultres herbez de bonne et grande odeur; paroillement y a force belles prairies et bonnes herbes et estancq où il luy a force saulmons. Je estime mielx que aultrement que les gens seroint facilles à conuertir à nostre saincte foy. Ilz appellent ung hachot en leur langue _Cochy_ et ung cousteau _Bacan_. Nous nonmames ladite baye, la baye de Chaleur. Nous estans certains qu'i n'y auoit passaige par ladite baye, fysmes voille et aparoillames de ladite conche Sainct Martin, le dimanche, douziesme jour de Juillet, pour allez charcher et decouvriz oultre ladite baye; et fysmes couriz à l'Est le long de la coste, qui ainsi gist enuiron dixouict lieues jusques au cap de Pratto. Et là trouuames vne merueilleuse marée, petit fontz et la mer fort malle, Et nous conuint serrez à terre entre ledit cap et une ille qui est à l'Est d'iceluy, enuiron vne lieue; et là possames les ancrez pour la nuyt. Et le landemain, au matin, fismes voille pour debuoir rangez ladite coste qui gist Nort Nordest; mais ils souruint tant de vant controire, qu'i nous conuint relacher de là où nous estions partiz et y fusmes ledit jour et la nuyt jusques au landemain que fismes voille, et vysmes le treuers d'une ripuiere qui est a cinq ou seix lieues dudit cap au Nort. Et nous estans le trauers d'icelle ripuiere, nous vint le vant controire et force bruymes et nonveue, et nous conuint entrer dedans icelle riuyere, le mardi, XIIIIe jour dudit moys, et posames à l'entree jusques au XVIe, esperans auoyr bon tempz de sortye. Et ledit jour XVIe, qui est Jeudi, le ven renfforça tellement que l'un de nos nauires perdyt un ancre, et nous conuynt entrer plus auant, sept ou huit lieues amont icelle riuiere, en vng bon hable et seur que nous auions esté voyr auec nos barques. Et pour le mauueys temps accauze et nonveue qu'il fist, fusmes en icelluy hable et ryviere jusques au XXVe jour dudit mois, sanz en pouuoyr sortyr; durant le quel temps nous vint grant nombre de sauuages qui estoient venus en ladite riuiere pour pescher des masquereaulx, desquelz il y a grant habondance; et estoient tant hommes, femmes que enffans plus de deux cens personnes qui auoyent envyron quarente barques, lesquelz après auoyr vng peu (esté) à terre auecques eulx, venoyent franchement auec leurs barques aborder prez de noz nauyres. Nous leur donnasmes des coulteaulx, pastenostres de voyrre, peignes et aultres besongnes de peu de valleur; de quoy faisoient plusieurs signes de joyes, leuant les mains au ciel en chantant et dansant dedans leurs barques. Celle gent se peult nommer sauuaiges, car c'est la plus pouure gent qu'il puisse estre au monde, car tous ensemble n'auoyent la valleur de cinq solz, leurs barques et leurs raitz à pescher hotez. Ilz sont tous nudz, reserué une petite peau de quoy ilz couurent leur nature, et aulcunes vielles peaulx de bestes qu'ilz gectent sur eulx en escharpes. Ilz ne sont point de la nature ny langue des premiers que auions trouué. Ils ont la teste touzée à reonz tout à l'entour, reserué vng rynet en le hault de la teste qu'ilz laissent long comme vne queue de cheual, qu'i lyent et serent sur leurs testes en vng loppin avecques des coroyes de cuyr. Ilz n'ont aultre logis que soubz leurs dites barques qu'ilz tournent, auant de se coucher, sur la terre. Dessoubz icelles ilz mangent leur chair quasi crue, après estre vng peu eschauffée sur les charbons et pareillement leur poisson. Nous fusmes le jour de la Magdelaine o noz barques au lieu où ilz estoient sur l'orée de l'eaue, et descendismes franchement parmy eulx, de quoy ilz demenèrent grand joye et se prindrent tous les hommes à chanter et danser en deux ou troys bandes, faisant grant signe de joye de nostre venue. Mays ilz auoyent fait fouyr toutes les jeunes femmes dedans le boys, fors deux ou troys qui demeurèrent, à qui nous donnasmes chacun vng pigne et à chacune vne petite clochette d'estang, de quoy ilz firent grande joye, remercyant le cappitaine en lui frottant les bras et la poictryne avecques leurs mains; Et en voyant que il auoyt donné à celles qui estaient demourées, firent venir celles qui estoient fuyes au boys, pour en auoyr autant comme les aultres, qui estoient bien vne vigtaine qui se assemblèrent sur ledit cappitaine, en le frottant auec leurs mains, qui est leur façon de faire chere, et il leur donna à chacune sa petite rangette d'estaing de peu de valleur; Et incontinent se assemblèrent ensemble à deuiser et dyrent plussieurs chanssons. Nous trouvasmes grant quantité de macquereaulx qu'ilz auoyent pesché bien à bor de terre, auecques des raiz qu'ilz ont à pescher, qui sont de fil de chanure qui croist en leur pays, où ilz se tiennent ordinairement, car ilz ne vyennent à la mer que au temps de la pescherye, ainsi que j'ay sceu et entendu. Pareillement y croist de groz mil, comme poix, ainsi que au Bresil, qu'ilz mangent en lieu de pain, de quoy ilz auoyent tout plain aueques eulx, qu'i nomment en leur langaige _Kagaige_; pareillement ont des prunes qu'ilz sechent, comme nous faisons, pour l'yuer, qu'i nomment _Honesta_, les figues, noix, poires, pommes et aultres fruitz et des febues qu'i nomment _Sahe_, les noix _Daheya_, les figues _Honnesta_, les pommes.... Se on leur monstre aucune choses de quoy ilz n'ayent point et qu'i ne sçauent que c'est, ilz secouent la teste et dyent _Nouda_, qui est à dire qu'il n'y en a point et qu'ilz ne sçauent que c'est. Des choses qu'ilz ont, ilz nous ont monstré par signes la façon comme il croyst et comme ilz l'acoustrent. Ilz ne mangent jamays chose où il y ait goust de sel. Ilz sont larrons à merueilles de tout ce qu'ilz peuuent desrober. Le XXIIIIe jour dudict moys nous fismes faire vne croix de trente piedz de hault, qui fut fete deuant pluseurs d'eulx, sur la poincte de l'entrée dudit hable, soubz le croysillon de laquelle mismes vng escusson en bosse à troyes fleurs de lys, et dessus vng escripteau en boys en grant, en grosse lettre de forme où il y auoit VIVE LE ROY DE FRANCE; Et icelle croix plantasmes sur ladicte poincte deuant eulx, lesquelz la regardèrent faire et planter; Et après qu'elle fut esleuée en l'air, nous mismes tous à genoulx, les mains joinctes, en adorant icelle deuant eulx et leur fismes signe, regardant et leur monstrant le ciel, que par icelle estoit nostre Redemption, de quoy ilz firent plusieurs admyradtions, en tournant et regardant icelle croix. Nous estans retournez en nos nauires, vint le cappitaine, vestu d'une vielle peau d'ours noire, dedans une barque auecques trois de ses filz et son frère, lesquelz se aprochèrent si près du bort, comme auoyent de costume, et nous fit vne grande harangue, nous monstrant ladite croix et faisant le signe de la croix auec deux doydz, et puis nous monstroit la terre tant à l'entour de nous, comme s'il eust voullu dire que toute la terre estoit à luy, et que nous ne deuyons pas planter ladite croix sans son congé. Et après qu'il eut finy sadite harangue, nous luy monstrasmes une hache, faignant la luy bailler pour sa peau, à quoy il entendit et peu à peu s'aprocha du bout de nostre nauire, cuydant auoyr ladite hache; Et l'un de noz gens estant dedans nostre bateau, mist la main sur sa dite barque et incontinant il en entra deux ou troys dedans leur barque et les fist on entrer dedans nostre nauire, de quoy furent bien estonnez, et eulx estans entrez, furent assenez par le cappitaine qu'ilz n'auroient nul mal, en leur monstrant grant signe d'amour; et les fist on boyre et manger et faire grant chere, et puis leur montrasmes par signe que ladite croix auoit este plantée pour faire merche et ballise, pour entrer dedans le hable et que nous y retourneryons bien tost et leur apporteryons des ferremens et aultres choses, et que nous voullyons amener deux de ses filz auecques nous, Et puys les rapporteryons audit hable; et acoustrasmes sesditz deux filz de deux chemises et de liurées et de bonnetz rouges, et à chascun sa chainette de laton au col, de quoy se contentèrent fort et baillèrent leurs vieulx hallyons à ceulx qui retournoient; et puis donnasmes aux troys que renuoyasmes, à chacun son hachot et deux cousteaux, de quoy menèrent grant joye et eulx estans retournez à la terre, dyrent les nouuelles aux altres. Enuyron midi d'icelluy jour, retournèrent six barques à bort où il y auoit en chacune cinq ou six hommes, lesquelz venoyent pour dire adieu aux deux que auyons retenus, et leurs apportèrent du poisson et nous firent signe qu'ilz ne habbateroyent ladite croix, en nous faisant plusieurs harengues que n'entendions. Le landemain, XXVe jour dudit moys, le vent vynt bon et appareillasmes du hable; et nous estans hors de ladite ryuiere, fismes porter à l'Est Nordest, pour ce que depuis la terre de ladite riuiere estoit la terre rengée, faisant une baye en manière de demy cercle, dont auyons veues de toute la couste de noz nauires; Et en faisant la routte, vynmes querre ladite terre qui gisoit Suest et Nornoyst, le paraige de laquelle il pouoyt auoir de distance, deppuys ladite riuiere, enuyron XX lieues. Dempuys le lundi XXVIIe, soleil à Ouest, rengasmes ladite terre, comme dit est, gisant Suest et Nornest, jusques au mardi que vismes ung altre capt où la terre commence à s'abattre à l'Est et la rengasmes XV lieues, et puis commence ladite terre à se rabbattre; mes à trois lieues d'icellui capt y a de sonde XXIIII brasses de taygnay et le tout desdites terres sont terres vnyes et les plus descouuertes de boys que nous ayons veu et trouué, auec belles praryes et champaignes vertes à merueilles. Le dit cap fut nommé le cap St Loys, pour que ledit jour estoit la feste dudit saint, et à 40 et 9 degrez ung quart de latitude et à soixante et treize degrez et demy de longitude. Le mercredi au matin, nous estans à l'Est dudit cap, et fismes porter au Norneist pour accouster la terre jusques enuyron solel couchant; icelles gisent vers le Su dempuys ledit cap St Loys jusques à vng aultre cap nommé cap de Memorancy; enuyron quinze lieues audit cap la terre commence à se rabattre au Nornest. Nous cuydasmes sonder à troys lieues ou enuyron dudit cap et ne peulmes y trouuer fonds à cent cinquante brasses; nous rengasmes icelle terre enuyron dix lieues jusques en la haulteur de cinquante degrez en latitude. Le samedi, premier jour d'Aoust, à soleil leuant, husmes congnoissance et veue d'altres terres qui nous demouroyent au Nor et au Nordest, de meme qu'elles estoient haultes terres à merueilles et huchées à montagnes; entre nous et lesquelles y auoyt des basses terres où il y a bois et riuieres. Nous rangasmes lesdites terres tant d'une part que d'aultre, passant à Nornest pour veoyr si c'estoit baye ou passage, jusques au cinquieme jour dudit moys. Il y a de l'une terre à l'aultre enuyron XV lieues; et le par my en C. degrez ung tiers de latitude, sanz jamais pouuoyr gagner dedans icelle plus que enuyron XXV lieues pour la difficulté des grands ventz et maréez qui là estoient; et fusmes jusques au plus destroit d'icelle où l'on voyt la terre facillement de ung à l'aultre et là commence soy alaiser. Et pour ce que ne faisions que dechoir avaulx le vent, fusmes à terre auec nosdites barques pour deuoyr aller jusques à ung cap de ladite terre du Su, qui estoit le plus long et le plus hors que nous vissions à la mer où il y auoit enuiron cinq lieues. Et nous arriuez à ladite terre, trouuasmes que c'estoient roches et fons curé, ce que n'auions trouué par tous les lieux où auions este deuers le Seu, despuis le cap Saint Jean. Et à icelle heure y auoit hebe qui portoit contrevent à Oest, tellement que en nageant le long de ladite couste, l'une de noz barques toucha sur ung rocher, qui fut incontinent panchie, de sorte qu'il nous fallyt tous saulter hors pour la boutter à flot. Et après que nous eusmes nagé le long de ladite couste enuyron deux heures, le flot commença à faire, qui venoyt de l'Oest contre nous, si impetueusement, qu'il ne nous estoit possible de gaigner en avant la longueur d'un gy de pierre auec treize aduyrons; et nous conuint laisser lesdites barques et plusieurs de noz gens à les garder et aller par terre, dix ou douze hommes, jusques audit cap ouquel trouvasmes ladite terre commencen à se rebatre au Surnoest. Nous ayant ce veu, retournasmes auec nosdites barques et vinsmes à noz nauires qui estaient à la voille, esperant toujours gagner en avant, qui estoient deschuz plus de quatre lieues aual le vent de là où les auyons laissées. Et nous arrivez audit navire, assemblasmes tous les cappitaines, pillottes, mestres et compagnons pour auoyr l'oppinion et aduys de ce qu'il estoit bon de faire; et après auoir l'ung après l'aultre dit que, conscideré les grans ventz d'avaulx qui commençoyent, et que les marées estoient fortes, tellement qu'ilz ne faisoient que decheoyr, et qu'il n'estoit possible de gaigner oultre en ceste saison, et aussi que les tormentes commençoyent en icelluy temps en la Terre neufve, et que nous estions encores bien loing et ne sçauions les dangiers qui estoient entre deux, qu'il estoit bien temps de s'en retourner ou de demeurer par là, véant et dauantage, que si une muayson de vent du Nord nous prenoit, que c'estoit force de y demeurer; après lesquelles oppinions prinses, fismes arivez large à nous en retourner, et pour ce que le jour saint Pierre nous entrasmes dedans ledit destroit, nous le nommasmes le destroyt Saint Pierre. Nous l'avons sondé en plusieurs lieux et y auons trouvé en aulcuns VIII.XX brasses, et en aultre cent, et plus près de terre soixante et quinze brasses et partout fonds curé. Et depuys ledit jour jusques au mecredi, eusmes vent à gré et fort ventant et rengeasmes ladite terre du Nord Est Suest et Oest Nornoest, car ainsi gist, fors une ance et cap de terre basses qui prent plus du Suest, que est enuyron XXV lieues dudit destroit; auquel lieu vismes des fumées que les gens de ladite terre faisoient sur ledit cap. Et pour ce que le vent chargeoyt à la coste, n'y aprochasmes; et eulx voyans que n'y aprochions, viendrent auec deux barques, enuyron douze homes, lesquelz vindrent aussi franchement à bort de noz nauyres, comme s'ilz eussent esté Françoys. Ilz nous firent entendre qu'ilz venoyent de la grant baye et qu'ilz estoient au cappitaine Thiennot, lequel estoit sur ledit cap, nous faisant signe qu'ilz s'en retournoyent en leurs pays, deuers là où nous venyons et que les navyres estoient appareillez de ladite baye, tous chargez de poisson. Nous nommasmes ledit cap le cap Thiennot. Dempuis celluy cap gist la terre Est Suest et Ouaist Nornoist et sont toutes basses terres, bien belles, toutes rangées de sablon, où il y a là mer de arafiffes et basses jusques enuyron ung lieues où commence la terre à s'aterre à Oest et à l'Est Nordest, toute rangée d'isles estantes à deux ou troys lieux loing de terre, le paraige desquelles y a des basses dangereuses à plus de quatre ou cinq lieues loing de terre. Despuis ledit mecredi jusques au samedy eusmes grant vent de Surnoist et fismes porter à l'Est Nordest; et ledit jour vynmes querir la terre de l'Oest de Terre neufue entre les Granches et le Cap double; et alors le vent vint à l'Est Nordest en yre et tormente et mysmes le cap au Nort Nornoist et allasmes querir la bande du Nort qui est comme davent tout rengée d'isles, et nous estans jouxte ladite terre et isles, le vent survynt et vint au Su et fismes porter dedans ladite baye, et le lendemain, IXe d'Aoust, entrasmes dedans Blanc Sablon. _Fin des Descouuremens._ Et depuis, sçauoyr le quinziesme jour d'Aoust, jour de feste de l'Assumption Nostre-Dame, partismes assemblement dudit hable de Blanc Sablon, après auoir messe et aueques bon temps vynmes jusques à la my mer d'entre Terre neufue et Bretaigne, auquel lieu eusmes troys jours continuez de grande tourmente de vents d'auaulx, laquelle auec l'ayde de Dieu nous souffrismes et endurasmes; et despuis eusmes temps à gré, tellement que arriuasmes au hable de Saint Malo dont estyons partiz, le Ve jour de Septembre audit an. ---- APPENDICE _Abrégé des voiages, découvertes et habitacions faits en l'Amerique septentrionnale, par les François et ensuite celles faites par les Anglois._ Premièrement, il est très-certain et approuvé de tous que sa Majesté très crestienne a pris possession du dit païs avant tout autre prince crestien; et que les Bretons et Normans ont découvert et trouvé les premiers, le grand Banc et la coste dudit païs, qu'ils appelèrent lors la _Terre neuve_, depuis le _Canada_, et à présent la _Nouvelle France_. Ces découvertes furent faites l'an 1504, comme il se void dans l'_Histoire de Niflet et Antoine Maydini, imprimé à Douay_. Et davantage, il est très-probable que, par commandement du Roi François Ier, Jean Veruzan prit possession dudit païs, au nom de sadite Majesté, commançant dès le 33e degré d'elevacion, jusque au 47e de latitude, ce qu'il fit par deux divers voiages dont le dernier fut l'an 1523; et fut des lors appellé la _Nouvelle France_. L'an 1535, Jacques Cartier entra le premier en la grande rivière _Saint-Laurent_, et y fut jusques au grand sault _Saint-Louïs_, lequel decouvrit la plus grande partie des costes dudit païs. L'an 1541, ledit Cartier fit un autre voiage audit païs en qualité de lieutenant de Mre Jean François de la Roque, seigneur de Roberval, qui estoit des lors pourveu de la charge de lieutenant général audit païs. L'an 1542, ledit seigneur de Roberval y fut en personne avec trois navires chargez et equipez de toutes choses necessaires, et y fit lors une habitation à l'Isle _d'Orléans_ en ladite Rivière. L'an 1543, Alphonce Zaintongois fut envoié par ledit sieur de Roberval vers la _Brador_, lequel decouvrit la coste du Nort de la Baye ou Golphe _Saint-Laurens_ et le passage entre la grande terre et l'isle de _Terre neuve_ du costé du Nort, à 52 degrez de latitude. Es annees 1564, 65, et 1566 les sieurs Ribault et Laudonniere furent à la Floride par ordre du Roi Charles IXe, en très-bon équipage et y firent habitacion. Ils y edifièrent la _Caroline_ au 36e degré. L'an 1590 le Roi Henry IVe, anvoia le Marquis de la Roche, de Bretagne, en la dite nouvelle France, en qualité de son Lieutenant, avec pouvoir de commander audit païs depuis le 4e degré jusqu'au 52e. L'an 1600, le commandeur de Chasle, gouverneur de Dieppe, succeda audit gouverneur, lequel y envoia en qualité de son lieutenant, le sieur de Mons, lequel fit nouvelle habitacion en la Riviere _Sainte-Croix_ et en la _Baye Françoise_, à 45 degrez. L'an 1603, sa Majesté se voiant en possession actuelle et réelle dudit païs depuis le 40e degré, jusqu'au 52e, y envoia le sieur Champlain, avec ordre d'en faire la description, lequel partit d'Honnefleur en Normandie pour y aller le 15e de mars, et se rendit en la rivière _Saint-Laurent_ au mois de mai ensuivant, et l'année suivante, 1604, fut à la rivière _Sainte-Croix_, et en l'année 1607 fut au _Port Roial_, où il trouva ledit païs habité par le seigneur de Mons, et ce fut lui qui imposa lors le nom du _Port Roial_, à cause d'un grand bassin qui y est à son entrée. Le seigneur de Mons faisoit sa demeure actuelle en la rivière _Sainte-Croix_; après lui a succédé audit Gouvernement le sieur de Poitraincourt, lequel faisoit sa demeure au _Port Roial_; après lequel a succédé le sieur de la Tour, qui faisoit sa demeure au _Cap de Sable_, sous le gouvernement duquel les Anglois s'emparèrent pendant la guerre, ès années 1628 et 1629 du _Port-Roial_, _Isle du Cap Breton_ et _Quebeck_, à sçavoir: les sieurs David et Jean Guert de Quebeck en la rivière _Saint-Laurent_, le sieur Guillaume Alexandre, chevalier escossois du _Port-Roial_ et _Isle du Cap Breton_ qu'il qualifia la _Nouvelle Escosse_, et constitua au dit _Port Roial_ un nommé Sre André Forrester pour gouverneur et son lieutenant. Ledit Alexandre faisoit lors sa demeure à Boston, en la nouvelle Angleterre, quoique dès lors la compagnie de la nouvelle France fust formée, comme il se justifie par l'édit du feu Roi Louis XIIIe, verifié en parlement ladite année 1628. Sa Majesté en estant advertie par ladite compagnie, se les fit restituer, comme il se void par le traité fait entre sadite Majesté et le Roi Charles, dernier Roi d'Angleterre, le 29 mars, l'an 1632. Et la mesme année 1632 le Roi envoia en qualité de son Lieutenant audit païs, le commandeur de Razilly, avec les ordres et mandement dudit seigneur Roi d'Angleterre à ses officiers estans audit païs, de sortir et vuider les lieux qu'ils occupoient, et en laisser prendre possession audit sieur de Razilly, pour Sa Majesté, comme il fit, sçavoir: dudit _Port-Roial_ et _Isle du Cap Breton_; et lequel fit de nouvelles habitacions à la _Heue_ et depuis à _Pentagoit_, lequel décéda audit lieu de la _Heue_, l'an 1636. Et messieurs de la compagnie anvoièrent à ladite rivière _Saint-Laurent_ et prirent possession du fort de _Quebeck_, où ils establirent pour gouverneur et lieutenant pour le Roi Monsieur de Mommagny. Charles de Menou, seigneur d'Aulnay a esté pourveu de ladite qualité de lieutenant de roi audit païs, lequel y est aussi decédé l'an 1650. Les Anglois se servirent de l'occasion des derniers troubles, l'an 1654; et par intelligence avec le sieur de la Tour lequel (après la mort dudit d'Aulnay) aurait obtenu subreptissement de Sa Majesté une commission de gouverneur audit païs, se sont (pour la seconde fois) emparez dudit _Port-Roial_ du _Fort de Saint-Jean_ et _Pentagois_, qui y ont esté depuis construits par ledit de Menou. De quoi Sadite Majesté aiant esté advertie en a demandé la restitution, comme il se void par le dernier traité fait entre la France et l'Angleterre l'an 1655; et l'an 1657, ladite compagnie présenta Monsieur Le Borgne à sa Majesté pour estre honnoré de la charge de son lieutenant audit païs, ce qu'elle agréa, et en fit à l'instant expédier ses lettres de commission, en faveur dudit Le Borgne, que Sa Majesté honnora aussi de la qualité de chevalier de son ordre, et lui en fit delivrer des lettres. Le commun consentement de toute l'Europe est de disjoindre la _Nouvelle France_, du moins depuis le 40e degré d'élévation jusqu'au 52e degré de latitude, ainsi qu'il appert par les Mappemondes imprimées en Espagne, Italie, Hollande, Flandres et Allemagne et en Angleterre mesme, si ce n'est depuis qu'ils se sont emparez, depuis le 36e degré jusqu'au 44e, qu'ils appellent à présent la _Virginie_, autrement la _Nouvelle Angleterre_. Toutes les veritez de ce que dessus se justifient encore particulièrement par le livre de Champlain, avec la carte de toute la coste, ports, havres et rivières qu'il en a fait, intitulé les _Voiages de Champlain en la Nouvelle France_; dont il est fait relacion depuis l'an 1603 jusques en l'année 1631, et depuis chacun s'en est servi et les ont adaptez sur les globes et cartes universelles. Venons à celles faites par les Anglois, car ce n'est rien de dire comme ils font, qu'ils sont les premiers qui ont decouvert lesdits païs; il est question de sçavoir quelles elles sont. Il est très certain que quand il se fait quelque nouvelle decouverte, on est assez curieux d'en descrire le temps, ce que les Anglois ny les autres nacions n'ont oublié suivant les Memoires qui leur en ont esté envoiez de ce qu'il s'est fait en semblable occasion; et cependant il ne se trouve aucun auteur qui dise que les Anglois aient esté avant les François en Amérique. Il est vrai que les Anglois ont les premiers descouvert du coste du Nort-West la terre de _La Brador_ et fut on dans des Isles et quelque passage entre les terres depuis le 56e degré jusque vers le pole Artique, comme il se void par les voiages qui en ont esté imprimez, tant en Angleterre qu'ailleurs, de quoi ils peuvent se prévaloir sans uzurpation, et voici comment. En premier lieu Sébastien Cabot (par le commandement du Roi Henry) fut (en l'année 1499) pour decouvrir quelque passage vers _La Brador_; mais il s'en revint sans aucun fruit ny progrez. Es années 1576, 77, et 1578, M. Martin Fesbishie y fut par trois divers voiages, sans y avoir fait aucune habitacion, pour n'avoir trouvé ledit païs favorable ny habitable. En l'année 1581, Estienne Darmond fut en la grande isle, nommée à présent l'_Isle de Terre-neuve_, du costé du Nort d'Est de ladite Isle, et un nommé Richard Voilabauche y fut aussi en la mesme année, mais sans y avoir fait aucune habitacion. En l'année 1585, Onfray Gilbert et Jean Davis furent aussi à ladite Isle, lesquels trouverent lors le passage qui est entre la terre ferme et leur isle pour entrer et sortir le golphe Saint-Laurent. En l'année 1590, un nommé le capitaine George fut aussi vers le Nort, à dessein de trouver quelque passage que plusieurs navigateurs cherchoient pour aller aux Indes Orientales; mais il fut contraint de s'en revenir, ne l'ayant pu trouver non plus que les autres qui l'avoient cherché avant lui. Et de plus fraiche mémoire, en l'année 1612, un nommé le capitaine Richart y fut envoié, lequel rapporta y avoir trouvé un passage, mais qu'il n'avoit ozé s'y engager à cause de plusieurs dificultez qu'il disoit y avoir trouvées, et voulut persuader que c'estoit ledit passage pour aller aux Indes Orientales, du costé de l'Oest. _Du costé du Sud de ladite Amérique voici ce que les Anglois y ont fait._ En l'année 1594, quelques particuliers Anglois furent à la coste de la _Floride_ au 35e degré d'élevacion, arrivant à un lieu qu'ils appellèrent _Macasa_, et y aïant trouvé une rivière et le païs assez beau, ils commancèrent à y bastir, lui imposant le nom de la _Virginie_, mais ils furent contrains par le mauvais traitement que leur firent les Sauvages et autres incommoditez, de s'en retirer et de l'abandonner. Depuis, le roi Jacques, l'an 1607, le 4e de son règne, sur le récit qui lui fut fait dudit païs, prit résolucion de le faire connoistre et habiter, et pour favoriser l'establissement d'une colonnie, accorda de grands privilèges à ceux qui voudroient entreprendre de la peupler, et avec pouvoir de s'establir depuis le 33e degré jusques au 45e et 50 mille avant dans la mer; et à cet effet fit expédier ses lettres et commissions, néanmoins avec cette excepcion specifiée par icelles: «... Nous leur donnons toutes les terres audit païs, jusques au 45e degré, lesquelles ne sont actuellement possédées par aucun prince crestien.» En vertu desquelles lettres, les Anglois furent (quelque temps après) s'abituer au 36e degré. Or il est très constant qu'avant la date des dites lettres, le Roi de France possédoit actuellement et réellement, pour le moins, depuis le 40e degré jusques au 44e, qu'ils appellent la _Virginie_, autrement la _Nouvelle Angleterre_, à cause que les François n'y estoient actuellement demeurans. Voilà ce qui se peut dire de plus véritable et de plus favorable pour eux, au regard desdits voiages, descouvertes et habitacions qu'ils ont faites audit païs de l'Amerique, et par conséquent il est facile à connoistre et juger que l'Estat de France y a des prétencions plus légitimes que celui d'Angleterre. ---- [Illustration] NOTE SUR LE MANOIR DE JACQUES CARTIER [Illustration: VUE A VOL D'OISEAU DU MANOIR DE CARTIER.] A Le logis. B Ecurie. C Pressoir. D Etable E Jardin. F Verger. G Mall. H Ecusson aux armes de Cartier. NOTE SUR LE MANOIR DE JACQUES CARTIER PAR M. ALFRED RAMÉ [Illustration: JACQUES CARTIER] PARIS LIBRAIRIE TROSS 1867 [Illustration] NOTE SUR LE MANOIR DE JACQUES CARTIER Le capitaine Cartier, comme tous les notables bourgeois de Saint-Malo au XVIe siècle, possédait dans la banlieue de la ville un manoir dont il prenait le nom et où il allait se délasser des fatigues de ses expéditions maritimes. Il figure en effet avec le titre de sieur de Limoïlou dans la fondation d'un _obit_ fait le 29 novembre 1549 à la cathédrale. Ce domaine de Limoïlou, situé sur la limite des paroisses de Paramé et de Saint-Coulomb, à mille mètres environ de la côte, est une vraie station de navigateur, établie comme un observatoire au point culminant d'un mamelon qui s'abaisse d'un côté jusqu'à Saint-Ideuc, de l'autre jusqu'à l'Océan. De là, dans la direction de l'étoile polaire, qui l'avait guidé aux plages inconnues du Canada, Cartier voyait la pointe de la Varde, qui n'était pas encore défigurée par les lignes géométriques d'un fort; à droite, il avait le village de Roteneuf et la baie sinueuse qui s'enfonce vers Saint-Coulomb; à gauche, la vaste grève qui s'étend jusqu'au château de Saint-Malo; au-dessus du tout, la mer pour horizon, et, dans le lointain le plus reculé, le profil du cap Frehel, signal cher aux marins qui regagnent le port. Le manoir de Cartier existait encore presque entier en 1865, et ses proportions modestes n'annonçaient guère la résidence de l'homme qui avait donné au roi de France un royaume plus vaste que la France même. La pénurie, qui s'y montrait jusque dans les vices de construction et dans le mauvais choix des matériaux, faisait bien voir qu'à ses expéditions aventureuses le capitaine avait gagné plus de renom que d'argent. Les bâtiments étaient disposés des deux côtés d'une cour carrée, close à ses deux autres extrémités par de grands murs. En homme qui connaît la furie des vents d'ouest et de nord sur la côte de Bretagne, Cartier avait aspecté son logis au midi, et ne lui avait donné qu'un étage sur rez-de-chaussée. Chaque étage comprenait deux pièces: en bas, la cuisine et la salle; en haut, un réduit et la chambre du capitaine. L'escalier, contenu dans une tourelle ronde, faisait saillie sur la cour et rompait la monotonie de la façade. Le pignon du levant donnait sur le jardin; à celui du couchant était accolé un bâtiment plus bas servant d'écurie. En face, de l'autre côté de la cour, se trouvaient la grange, le pressoir et l'étable. Au centre, un ample puits carré, avec une belle margelle en granit, fournissait une eau abondante. On entrait dans la cour par une grande porte charretière sans autre ornement qu'un écusson soutenu par deux anges et placé au point le plus apparent, à la naissance du cintre surbaissé qui couronnait l'entrée. Le champ de l'écusson portait uniquement un franc quartier. C'étaient des armes parlantes. Cette sculpture en granit, très-fruste, haute de 0m.45 et large de 0m.55, est reproduite en guise de fleuron en tête de cette notice. Ne pas croire, sur la foi d'un dessin, dont l'original figure au musée de Saint-Malo, et d'une lithographie de Charpentier, de Nantes, qui l'a vulgarisé, que cette entrée ait jamais été décorée d'une double porte à pilastres, l'une destinée aux piétons, l'autre aux voitures, ni qu'une date de 1545 ait été sculptée à la clef de voûte. Tous ces enjolivements sont autant de fantaisies du dessinateur, qui, trouvant trop modeste l'entrée du manoir de son héros, l'a décorée en empruntant arbitrairement à d'autres constructions du pays un type qui y est devenu commun au XVIIe siècle. C'est par une licence non moins grande qu'il a donné aux deux anges et à l'écusson une taille d'au moins six pieds de hauteur. Si aise que pût être Cartier des lettres de noblesse que lui concéda, dit-on, François Ier, il n'exagérait pas à ce point la dimension de ses insignes nobiliaires. Cet écusson montre, au surplus, aussi bien que le fait de l'anoblissement, s'il est réel, que Jacques Cartier n'était pas, comme l'a dit M. Pol de Courcy (_Nobiliaire de Bretagne_, I, p. 162), de la famille de ces Cartier sieurs du Hindret et de la Boulaye, qui portaient écartelé d'azur et d'argent à quatre fleurs de lis de l'une et l'autre, et qui ont fait leurs preuves de noblesse dès 1478 et 1513. On pourrait contester aussi que tous les bâtiments du manoir remontent à l'époque de Jacques Cartier. Ainsi la forme des ouvertures du logis, les moulures de la menuiserie des portes et des fenêtres, paraissent en partie plus modernes que le XVIe siècle, quoique la souche de l'édifice appartienne au plan primitif. Il faut en dire autant des panneaux de verre peint qui garnissaient la fenêtre de la chambre principale, à l'orient. Ces panneaux représentent au centre, dans un médaillon circulaire, l'un saint Bertrand, l'autre saint Julien, et autour, dans de petits compartiments carrés, des scènes champêtres (une chasse au renard, des cavaliers) ou des paysages (des arbres, un château, un puits, etc.). Ils sont traités dans le goût de la fin du XVIIe siècle et d'une façon très-lâchée. Ce sont, en somme, des oeuvres fort médiocres, et qu'il n'est pas possible de rattacher, comme on a essayé de le faire, aux souvenirs intimes du grand navigateur malouin. Derrière le logis, au nord, se trouve le verger; à l'orient s'étend le jardin, bel enclos aux compartiments carrés et symétriques, sur lesquels ouvre la salle du rez-de-chaussée; derrière le jardin, une allée de tilleuls de cinquante pas de longueur, promenoir précieux sur cette terre aride. Cette plantation est encore jeune; elle remplace celle de Cartier, qui tombait de vétusté au commencement du siècle. Ce sont les derniers arbres du pays; au delà commence la plaine rase, qui bientôt se transforme en sables et aboutit à la mer. De là aussi la vue s'étend sans obstacle sur le bel horizon indiqué plus haut. Aujourd'hui, le manoir de Limoïlou et ses dépendances, lézardés de toutes parts, tombent en ruines. Ils doivent faire place, dans un avenir prochain, à une maison de ferme plus vulgaire d'aspect, mais de construction plus solide. Nos croquis, exécutés en 1865, conserveront au moins le souvenir de l'état ancien des lieux, quand il ne restera plus d'autre trace du séjour du grand navigateur, sur ce domaine, que le nom de Portes Cartier, que lui conserve encore la mémoire fidèle des habitants. Rennes, 15 janvier 1867. [Illustration] DOCUMENTS INÉDITS SUR LE CANADA COMMUNIQUÉS PAR M. ALFRED RAMÉ _DEUXIÈME SÉRIE_ [Illustration] PARIS LIBRAIRIE TROSS ---- I COMMISSION DU MARQUIS DE LA ROCHE[1]. Mars 1577. Henry, par la grace de Dieu, roy de France et de Pologne, à tous presens et à venir, salut. Sçavoir faisons que, nous inclinant liberalement à la supplication et requeste qui faite nous a esté par nostre amé et féal chevalier de nostre Ordre, le sieur de la Roche, marquis de Coetarmoal, comte de Kermoallec et de la Joyeuse Garde, conseiller en nostre conseil privé, et gouverneur de nostre ville de Morlaix; ayant aussi égard à la delibération qu'il nous a fait entendre avoir prise, tant pour le zele et fervente devotion qu'il a au service de Dieu avec mention du nom chretien, et grandeur de nous et nos successeurs que pour la singulière affection qu'il a à la reputation du nom François, ampliation, seureté et commodité du commerce et traficq, bien, profit et utilité de tout le public de cestuy royaume; pour ces causes, et autres bonnes considerations à ce nous mouvant, avons audit sieur de la Roche permis et accordé, permettons et accordons de grace speciale, pleine puissance et autorité royale par ces présentes qu'il puisse et lui soit loisible lever, freter et equiper tel nombre de gens, navires et vaisseaux qu'il advisera et verra bon estre pour aller aux Terres neufves, et autres adjacentes, et illec faire descente, s'appatrier, investir et faire siennes toutes et chacunes les terres dont il se pourra rendre maître, pourvu qu'elles n'appartiennent à nos amis, alliez et confederez de cette couronne, lui donnant plein pouvoir et puissance de faire bâtir, construire et édifier, fortifier et remparer telles forteresses que bon lui semblera pour les garder et conserver, icelles occuper, tenir et posseder sous nostre protection, et en jouir et user par lui, ses successeurs et ayant cause perpetuellement et à toujours comme de leur propre chose et loyal acquest. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à vous, nos lieutenans generaux, gouverneurs de nos provinces, amiraux, vice amiraux, baillis, senechaux, juges ou leurs lieutenans et autres, nos justiciers et officiers qu'il appartiendra, que de ceste presente grace, permission, et de tout le contenu cy dessus ils facent, souffrent et laissent ledit sieur de la Roche, sesdits successeurs et ayant cause, jouir et user pleinement et paisiblement, ainsi que dessus est dit, sans en ce leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun ennuy ne empeschement au contraire, lequel si fait, mis ou donné leur estoit, facent le tout reparer et remettre incontinent et sans délai au premier estat et deu. Si prions et requérons tous princes, potentats et republiques à nous alliez, confederez et bien veillans de cette couronne que, arrivant lesdits navires et vaisseaux en leurs ports, havres et costes que leur chemin et route y donnast, ou que la tourmente et impetuosité de la mer les y fist aller, ou bien qu'ils soient rencontrez en mer par leurs vaisseaux de guerre, ils ayent à les recueillir et fournisser, mesme les accommoder et rafraichir de vivres, victuailles et autres choses dont ils auront besoin, en payant raisonnablement et ainsi que le requiert l'amitié et bonne intelligence qui est entre nous et eux, et que nous voudrions faire à l'endroit de leurs sujets en pareille occasion. Et affin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes, sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Blois au mois de mars l'an 1577 et de nostre regne le troisième, signé Henry, et sur le replis: par le Roy, Bruslart. Et scellé d'un grand sceau de cire verte en lacs de soye. (_Titres de Robien. Morice._ Pr. III, 1439.) [Note 1: Il paraît que cette commission et la suivante sont demeurées inconnues aux historiens qui se sont occupés des relations de la France avec le Canada. Le dernier et le plus exact, M. Poirson, dans sa belle _Histoire du règne de Henri IV_, relate une autre commission donnée au même marquis de la Roche le 12 janvier 1598, et fixe à cette année les premières tentatives pour fonder des établissements français dans l'Amérique septentrionale. Cette pièce montre qu'Henri IV ne faisait que suivre les traditions de son prédécesseur et renouveler une commission donnée par Henri III.] II COMMISSION AU MARQUIS DE LA ROCHE. 3 janvier 1578. Henri, par la grace de Dieu, roi de France et de Pologne, à tous ceux qui ces presentes lettres verront, salut. Nous ayant le sieur marquis de Coetarmoal, comte de Kermoulec, et sieur de la Roche en Bretaigne[2], chevalier de nostre Ordre et conseiller en nostre conseil privé, fait entendre que, sans offenser, faire tort ni entreprendre aucune chose préjudiciable aux princes nos bons amis, voisins, alliez et confederez, il a moyen de conquerir et prendre quelques terres et pays nouvellement decouverts et occupez par gens barbares, dont il peut et espere faire venir beaucoup de commodité à cestuy nostre Royaume, tant pour le commerce et trafic que pour autres bons respects, Nous lui avons permis et accordé, permettons et accordons par ces présentes qu'il puisse et lui soit loisible faire et exécuter ladite entreprise, et, pour cet effet, faire armer et equiper en guerre à ses frais et dépens, tel nombre de vaisseaux dont il aura besoin; et pour ce qu'estant l'auteur, conducteur et exécuteur de ladite entreprise, il est bien raisonnable qu'il se ressente du fruit d'icelle et du bien qui en viendra, confiant aussi entièrement de sa personne et de ses sens, suffisance, loyauté, prudence, expérience et bonne diligence, icelui pour ces causes et autres bonnes considérations à ce nous mouvans, avons fait, creé establi, faisons, creons et establissons par ces présentes Gouverneur et nostre Lieutenant général et Viceroy esdites Terres neuves et pays qu'il prendra et conquestra sur lesdits barbares, lui donnant plein pouvoir et puissance et auctorité de faire là construire et edifier telles forteresses et lieux de retraite qu'il verra estre nécessaire pour la conservation de notre obéissance èsdites terres et pays, et aussi de mettre et establir garnisons pour la seureté d'iceux, et generalement de faire esdites terres et pays tout ce qu'il verra appartenir au bien de nostre service et aux commodités de nostre Royaume, tout ainsi que nous mesmes ferions et faire pourrions, si présens en personne y estions, jaçoit qu'il y eust chose qui requist mandement plus spécial que n'est contenu en ces présentes: par lesquelles donnons en mandement à tous gouverneurs, nos lieutenans généraux en ces provinces, amiraux, vice amiraux, baillis, senechaux, provosts, juges ou leurs lieutenans, capitaines et gouverneurs de nos places, ports et havres, et de nos gens de guerre, et à tous nos autres justiciers et sujets que ledit sieur marquis de la Roche en les choses susdites, leurs circonstances et dependances, ils assistent et facent assister, et à lui entendre diligemment, car tel est notre plaisir. Prions et requerons aussi tous rois, princes et seigneurs, potentats etrangers que audit sieur de la Roche ils ne donnent, facent ou mettent aucun empeschement en l'exécution de cesdites présentes. Donné à Paris le 3 jour de janvier l'an de grace 1578 et de notre regne le 4. Signé Henri, et plus bas: par le Roy, P. Mart. (_Titres de Robien. Morice._ Pr. III, 1442.) [Note 2: Troïlus de Mesgouez, sieur de Kermoalec, de Trévarez et de Coetarmoal, baron du Laz, marquis de la Roche Helgomarc'h (en 1576), etc., etc., était depuis 1568 gouverneur de Morlaix. Il présida les états de Nantes en 1574, résigna en 1586 son office de gouverneur de Morlaix, fut nommé en 1597 gouverneur de Saint-Lô et de Carentan, et mourut sans postérité en 1606.] III ÉTATS DE BRETAGNE. SESSION DE NANTES. 17 mars 1588. Sur la requeste presentée en l'assemblée des Estats extraordinairement convoqués par autorité du Roy en sa ville de Nantes, par le procureur des bourgeois, manans et habitans de Saint Malo, comme un appellé le capitaine Jaunaye et Jacques Nouel, soubz pretexte de certaines prétendues lettres qu'ils disent avoir obtenues de Sa Majesté par lesquelles ils prétendent qu'il serait interdit et deffendu à tous marchands de ced. pays et autres de ne trafiquer ny faire aucun commerce, aller ny venir au pays de Canada durant le temps de douze ans, et qu'il n'y ait que eux qui ayent le pouvoir et la puissance de ce faire, pour et en ce faisant, priver et oster la negociation du commerce ordinaire qui est de tout temps permis à un chacun aud. pays comme aux autres nations estrangères, requerant ledit procureur de Saint Mallo, et autres procureurs des villes dud. pays qui ont fait la même supplication aux dits Estats y vouloir pourvoir. Sur quoy a esté par les sieurs des Estats, resolu et arresté que ceux qui ont esté deputés en la presente assemblée pardevers le Roy representeront à Sa Majesté l'importance que ce serait aud. pays si led. commerce n'estoit libre à un chacun aud. pays de Canada pour le profit d'un particulier et le supplieront très-humblement revoquer la clause d'interdiction du trafic et commerce portée auxdites lettres obtenues par lesd. Jaunaye et Nouel, et à cet effet en obtiendront lesd. deputés toutes les provisions nécessaires au contraire, dont leur sera fait taxe et remboursement. Fait en l'assemblée des Estats tenue aux Jacobins dudit Nantes le dixseptiesme jour de mars mil cinq cent quatre vingt huit. Signé, F. G. P., abbé de Villeneuve. (_Registre des Etats_, p. 372.) IV 3 janvier 1600. Lettres de faveur au nom de la communauté octroyées à Jean Martin Guiraudaye et consors, pour empescher l'enterinement de certaines lettres que ung appellé Chauvin, du Havre de grâce, a obtenues de Sa Majesté le Roy pour interdire le traficq du pays de Canada aux habitans de la ville, qui les veult fere verifier en la court. Fin. La communauté s'opposera à lad. vérification, parce que led. Martin et consors en feront les fraiz, et sera par le procureur escrit à Me Jan Bodin procureur feodé de la communauté, afin de s'y opposer. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 5.) V 21 décembre 1602. Par monsr le Procureur[3], a esté remonstré que monsr le Doyen de ceste ville, qui est à Paris deputé pour les afferes de ceste communauté, luy a escrit que quelques particuliers de la ville de Rouen et de ceste ville ont obtenu lettres du Roy portans interdiction à tous autres de ce royaulme qu'à eux de traficquer à Canada; à ceste cause led. sieur Procureur a requis qu'il y soit délibéré ce que l'on jugera à propos. [Note 3: Thomas Porée, sieur des Chesnes.] Ce qu'ayant esté mis en deliberation, et aprés ques les avis d'un chacun ont esté pris, il a esté conclud qu'il sera presenté requete à Sa Majesté, à ce qu'il luy plaise revocquer lesd. lettres des particuliers, et permettre le traficq libre de Canada à un chacun à l'advenir, comme il a esté au passé, dont led. Procureur en escrira aud. sieur Doyen pour en faire les dilligences nécessaires, et que en escrira à messeigneurs le marechal de Brissac, et duc de Montbason, monseigneur le marquis de Couesquen[4], qui est allé à la cour, pour les supplier très humblement estre intercesseurs près Sa Majesté, à ce qu'il luy plaise revocquer ladite permission, et donner ledit traficq libre à touz ses subjectz qui auront moyen de traficquer et en pareil en sera escrit à autres seigneurs qu'on cognoistra avoir du pouvoir d'y assister cette communauté, le tout au nom de lad. communauté, laquelle y fera tous les fraiz requis. Et en cas que lesdits particuliers vouldroient faire verifier leursd. lettres au Parlement de la province, led. sr Procureur sindicq est chargé d'en escrire au Procureur de lad. communauté qui est à Rennes, de s'opposer à lad. vérification pour empescher l'enterinement desd. lettres, mesme en escrire à Jean Boullain Rivière estant à Rennes, affin qu'il se treuve prest pour s'opposer à lad. verification, le tout aux fraiz et despans de lad. communauté. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 5.) [Note 4: Capitaine et gouverneur des ville et château de Saint-Malo.] VI 26 janvier 1603. Le procureur[5] remonstre qu'il a receu ung pacquet de lettres du roy touchant le traficq du Canada qu'il a aparues et d'icelles lecture en a esté faicte, après laquelle lecture les avys ayant esté pris sur le contenu desd. lettres, a esté conclud qu'elles seront insérées au présent registre, ce qui sera faict après l'expédition des conclusions de ceste assemblée, où a esté conclud que led. sieur procureur escrira à Bertrand Lefer Lymonnay, deputé à la court pour les affaires de ceste cité, et luy envoirra coppye desd. lettres pour fere remonstrance à Sa Majesté le peu d'importance que led. trafficq de Canada aporte au général de ceste ville, laquelle n'entend y fere aucuns fraiz, delaissant la porsuilte à estre faicte par les particuliers de lad. ville qui y traficquent journellement, comme aussy qu'il sera escrit à monseigneur l'amiral et pour cest effect, led. procureur commis. [Note 5: Thomas Porée des Chesnes.] VII DESQUELLES LETTRES DU ROY ET DE MONSr L'ADMIRAL LA TENEUR ENSUILT. De par le Roy, Nos chers et bien amez, ayant depuis peu esté particulièrement informé par plusieurs bons raportz et fideles avis combien il est important pour le bien de notre service de fere promptement parachever et accomplir notre desseing de la descouverture et habitation des terres et contrées de Canada, dont nous avons cy davent donné et reiteré notre pouvoir et commission au capitaine Chauvin, après plussieurs expresses assemblées et convocations sur ce faictes, suyvant notre commandement et par notre cousin le sr de Dampville, admiral de France et de Bretaigne, d'aucuns des principaulz de notre conseil pour traiter et conferer des moyens d'en fortifier et diligenter les effectz d'une sy utille et louable entreprise, nous avons suyvant lesd. bonnes délibérations, jugé et resolu expediant et nécessaire permettre aux habitans de notre ville de Rouen, sur leur suplication et requete, d'entrer et se joindre en ce party, comme aussy avons tenu, pour ne vous frustrer de la traicte ordinaire que de long temps vous avez vers lesd. pays, congnoisssance qu'aucuns de vous y ont desjà des peuples, moeurs, costes et demeures, pour un particulier desir que nous avons de vous gratifier en cela, a ceste fin, avons ordonné au sr de la Cour, premier president en notre parlement de Normandye et au sr visamiral de Chaste, se trouver dans la fin de ce moys de janvier en notredite ville de Rouen et là, avecq ceux que vous y envoirez, convoquer aucuns des principaulx marchans du lieu et des plus expertz et entendus de lad. province, au fait de la navigation, pour tous ensemble conférer plus amplement des plus promptz et commodes expedians pour l'accomplissement d'un tant utille et louable desseing et pour l'asseurance du profilt seureté et contantement de tous nos bons subjectz qui avecq leur particuliere commodité nous rendront ce disgne et fidelle service; partant, incontinent la presente receue vous commettez et deputez aucuns d'entre vous qui puisse sans faute se trouver en notred. ville de Rouan dans led. temps avecq bonnes et amples instructions et pouvoirs et toutes procurations nécessaires pour convenir, traiter et resouldre entièrement de cest affaire, affin que suyvant les resolutions que vous en prendrez, lesquelles vous ferez tout incontinant scavoir à nostred. cousin le sr de Dampville, nous en puissions estre pluz dilligemment advertiz et rester asseurez d'un prompt effeict de ceste notre intention, et aussy y aporter à temps ce qui se peult de force de nous, soit pour la dilligence ou pour le pouvoir et auctorité. Nous avons aussy, par l'advis de notred. cousin et gens de notred. conseil par luy convocquez sur notre commendement, ordonné ausd. srs de la Court et de Chaste[6], de terminer avecq toute la facilité et equité qui sera possible les diférens et demandes réciproques pour lesquelles vous estes en procès en notred. conseil avecq led. capitaine Chauvin, partant lesd. commissaires auront pareillement de vous tout pouvoir et commission pour apoincter de ceste affaire, affin qu'estant tous de tous pointz en bon accord et union, vous puissiez plus facillement exécuter une si belle entreprise au bien du général de notre service et du particulier de votre commodité, ce que nous nous prometons de votre ordinaire fidelité et devotion. Donné à Paris le XXVIIIe jour de décembre 1602. Ainsy signé Henry et plus bas Potier. [Note 6: M. Berger de Xivrey dit dans ses notes sur les Lettres missives de Henri IV (t. III, p. 30), que de Chastes était mort en 1602. Cette lettre qu'il n'a pas connue, semblerait prouver le contraire.] VIII De par le Roy, Il est faict très expresses inhibitions et deffances à tous capitaines, maîtres, bourgeoys, marchans et avictuailleurs de navires, pillottes, mariniers et autres subjectz de Sa Majesté habitans des villes maritimes, portz et havres des provinces de Normandye, Bretaigne, Picardye, Guyenne, Biscaye, pays Boulonnoys, Calais et autres costes de la mer océanne, d'équiper freter et metre sus aucuns vaesseaux ou barques de quelque port et grandeur qu'ilz puissent estre pour voiturer, mener et conduire en la rivière et costes de Canada, et fere aucun traficq et commerce de quelque chose que ce soit, plus oultre et plus hault en lad. rivière que l'endroit de Gaspay, soit d'un rivaige ou d'aultre, et ce, jusq'à ce que par Sad. Majesté en ait esté autrement arresté sur l'avis qui luy sera donné par le sr de Dampville, amiral de France, des traictez qui seront faitz et délibérations qui seront prises en l'assemblée et convocation par elle ordonné, estre faicte en la ville de Rouan dans la fin du présent moys de janvier, sur l'exécution et accomplissement des desseings de sad. majesté, en la descouverte et population desd. païs et contrées de Canada, et ce, à peine de confiscation de touz deniers, denrées et navires, et emprisonnement des contrevenans et de Vc livres d'amendes, déclarant icelle dite Majesté de bonne prise tous vaesseaux, sommes et marchandises qui seront pris et arrestez en haulte mer sur les convaincuz de contravention a ceste d. ordonnance, laquelle de la enjoinct et ordonne très expressément à tous juges, lieutenans et officiers fere en toute dilligence publier, observer fidellement garder et entretenir. Donné à Paris le 2e jour de janvier 1603, ainsy signé Henry et plus bas Potier, et cacheté de cire rouge. IX Messieurs, Le Roy desirant veoir continuer et mesmes renforcer les effectz de la descouverte et habitation de la province de Canada, dont il avoit donné toute la commission et charge au sr capitaine Chauvin, et sachant qu'il ne pouroit seul sufir à tel deseing, Sa Majesté a proposé d'y admettre et recevoir pour plus prompt accomplissement des habitans et bourgeoys de ses villes de Rouen et de la vostre de Saint-Malo, et pour faire traicté à cest effect, elle avoit ordonné que les uns et les autres vous rendriez dans la fin de ce moys la part qu'elle seroit, affin que la se puisse vous fere assembler et ouir vos offres et propositions. Mais estant en doubte ou poura lors estre Sa Majesté pour l'incertitude des divers voiages qu'elle proiecte, j'ay pensé que pour votre soulaigement et pour faciliter l'accomplissement de cest affaire, il serait plus expédiant assembler à Rouen dans led. temps, les habitans dud. lieu, les deputez que vous y envoirez et led. capitaine Chauvin, ou j'ay faict fere commandement par Sa Majesté à monsr le premier president de Rouan, et au sr commandeur de Chatte, mon visamiral vous oyr et entendre, tant sur vos offres que sur les seuretez que vous pouvez desirer et vous envoyer la lettre en laquelle Sadite Majesté vous donne avis de ceste sienne intention et vous en fait le commandement. Je vous prie donc de n'y faillir et me donner incontinent avis de ce que vous y aurez faict et délibéré; elle veult que jusques à ce qu'elle en ait autrement ordonné, suyvant le raport que je luy feray et avis que je luy donneray de l'issue de ceste votre assemblée et convocation qu'aucun vaesseau ne parte pour aller au Canada plus avant que Gaspay. Je vous en envoye les deffances et escris aux srs officiers de la justice de l'admiraulté en votre ville, les fere promptement publier et signifier affin que la volonté de Sa Majesté soit en cela sans faute suivie et soigneusement entretenue. A quoy je vous prie et recommande très-instamment tenir la main, sur tant que vous avez pourcher et recommander son contantement et bien de son service, et me donner incontinant advis de ce que vous aurez faict, affin que je puisse en tenir advertye Sad. Majesté. Au surplus, voiez en quoy je puis quelque chose et pour assister en quelque chose de ce qui sera en mon pouvoir et votre général, et chacun de vous en particulier, vous assurant que vous ne trouverez jamais personne qui s'emploie avecq plus d'affection et entière volonté en tout ce qui sera possible de vous servir que le feray. Sur ceste asseurance je prie Dieu, messieurs, vous avoir et maintenir tous en sa sainte protection et sauvegarde. A Paris ce IIIe jour de janvier 1603. Ainsy signé votre fidelle et très-affectionné amy à vous servir, Charles de Montmorency, et en superscription est escrit: «Messrs, Messrs les bourgeois, manans et habitans de Saint-Malo» et cachetté de cire rouge. Les originaux desd. lettres cy davent inserées sont demeuriez entre les mains dud. procureur sindicq. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 5.) X Lundi 7 avril 1603. Par ledit sr Doyen[7], a esté verballement proposé que suyvant la prière luy faite par Thomas Porée Les Chênes, procureur sindic de ceste ville, et communauté, et autres bourgeois et habitans deputez de la communauté dès le XXXIe octobre dernier, de voulloir s'acheminer en court pour poursuivre l'entherinement de la requeste presentée au conseil des finances de Sa Majesté, par les bourgeois et habitans contre Me Alexandre Bedeau, etc. [Note 7: Vénérable et discret Me Guillaume le Gouverneur, doyen et chanoine de l'église de Saint-Malo, depuis évêque de Saint-Malo en 1610.] Comme aussi auroit obtenu lettres patentes de sa majesté revocatoires de la commission de messieurs les commissaires pour la recherche des finances, etc. Davantaige, un arrest et commission de nosseigneurs du conseil d'Estat de Sa Majesté contre certains particuliers, tant de ceste ville que de la ville de Rouan et d'ailleurs, touchant le commerce et descouverture de Canada, sur l'avis en donné audit sr Doyen par ceste communauté, et par ledit arrest, Sad. Majesté en son conseil, auroit ordonné que Gilles Eberard, sr du Coulombier, et consors armeroint un vaesseau pour aller, conjoinctement ou separement avecq lesd. particuliers de Rouan et ceste ville au traficq et descouverture de Canada, parce qu'ils contribueront à la tierce partye des loyaulx coustz et fraiz qui se feront à ladite descouverture, selon que plus à plain est contenu en led. arrest et commission y recouru. Après que les assistans ont entendu la proposition et remonstrance dud. sr Doyen, et les avis d'un chacun pris, Ils ont unaniment aprouvé, ratifyé et eu aggréable tout ce que ledit sieur Doyen a fait, geré et negotié en sond. voïage, et particulièrement pour le faict de Canada, et pour la consequance, lesd. arrest et commission seront insérez au présent registre à la fin des expéditions de ce jour, pour servir ce que de raison, ayans lesd. bourgeois et habitans en général et particulier remercié ledit sr Doyen du soing et vigillance qu'il a eu en leurs affaires. XI Ensuilt la teneur des arrestz et commission pour le faict du traficq du Canada. Extrait des registres du conseil d'Estat. Sur la requeste presentée par les bourgeoys et habitans de Saint-Malo, tendant à ce qu'il pleust au roy rendre libre en ceste présente année et à l'advenir le traficq du Canada cy davent découvert avecq grande despance par leurs prédécesseurs, nonobstant les permissions et defances pretendues par les capitaines Prevert et Pontgravé. Le Roy, en son conseil, a pour bonnes causes et considérations à ce se mouvans, ordonné et ordonne que le capitaine Coulombier de Saint-Malo, nommé par lesd. habitans dud. Saint-Malo, armera un vaesseau en la presente année, pour, avecq les deux navires desd. Prevert et Pontgravé conjoinctement ou separément, selon que la commodité se fera, aller au traficq et decouverture des terres de Canada et pays adjaczantes, à la charge de contribuer à la tierce partie des loyaulz coustz et fraiz qui se feront en lad. decouverture, faisant Sa Majesté inhibitions et deffances ausd. Prevert et Pont Gravé et à tous autres ses subjectz de quelque qualité et condition qu'ilz soient de le troubler sur les peines qui y escheent. Fait au conseil d'Estat du roy, tenu à Paris le treziesme jour de mars 1603, ainsi signé Huilliere et scellé. XII COMMISSION POUR LE TRAFICQ DU CANADA. Henry par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à notre très cher cousin le sr de Dampville, amiral de France, ses lieutenans en l'amiraulté, senechal de Saint-Malo ou son lieutenant et alloué de lad. ville et à chacun d'eux en droict soy, salut. Ayant faict veoir en notre conseil la requeste à nous presentée par nos bien amez les bourgeoys et habitans de lad. ville de Saint-Malo, à ce qu'il nous pleust rendre libre en la présente année et à l'advenir le traficq de Canada, cy davent decouvert avecq grande depance par leurs predecesseurs, nonobstant les permissions et defances pretendues par les capitaines Prevert et Pont Gravé, Nous, de l'advis de notre conseil, et suyvant l'arrest ce jourd'huy donné en icelluy, dont l'extraict est cy-attaché soubz le contrescel de notre chancellerye, avons pour bonnes causes et consideracions à ce nous mouvans, permis et permettons par ces présentes au capitaine Coulombier de Saint-Malo, nommé par lesd. habitans de Saint-Malo, d'armer un vaesseau en la presente année, pour, avecq les deux navires desd. Prevert et Pont-gravé, conjointement ou separement, selon que la commodité s'ofrira, aller au traficq et decouverture des terres de Canada et païs adjaczans, à la charge de contribuer à la tierce partye des loyaulz coustz et fraiz qui se feront en ladite decouverture, faisant expresses inhibitions et defances ausdits Prevert et Pontgravé et tous aultres nos subjectz de quelque qualité et condition qu'ilz soient de l'y troubler, sur les peines qui y escheent. Sy vous mandons et ordonnons que de notre presente permission et de tout le contenu en les presentes vous faictes soufrir et laisser jouir lesd. habitans de Saint-Malo et led. capitaine Coulombier plainement et paisiblement, cessans et faizans cesser tous troubles et empeschemens au contraire. Mandons au premier notre huissier ou sergent sur ce requis signifier notredit arrest et lesd. presentes ausd. Prevert, Pont Gravé et à tous autres qu'il apartiendra, et leur fere de par nous les deffances y contenues, luy donnant pouvoir de ce fere sans pour ce demander permission, placet, visa, ni pareatis. Car tel est notre plaisir, nonobstant quelconques aultres lettres, mandemens et deffances à ce contraires. Donné à Paris le XIIIe jour de mars l'an de grace 1603, et de notre règne le quatorziesme. Ainsi signé: Par le Roy en son conseil, Huillere, et scellé du grand seau de cire jaulne. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 5.) XIII ÉTATS DE BRETAGNE.--SESSION DE RENNES. 22 octobre 1603. Memoires et charges aux deputés en cour. Les gens des trois états des pays et duché de Bretagne, assemblés par autorité du roi en la ville de Rennes, delibérants sur les remontrances faites par noble homme Bonabes Byet, leur procureur sindic, partie desquelles il a dict estre tirées des plaintes particulières des communautés et deputés qui se sont trouvé en cette assemblée, ont advisé et resolu que, outre les remonstrances contenues au cahier dont sont chargés ceux qui seront deputés vers le Roy, ledit procureur leur baillera mémoires et instructions. Premièrement.... Secondement.... Plus pour maintenir la liberté du trafic du Canada contre les prétentions de ceux qui le veulent faire particulier et privatif à tous autres. (_Registre des États_, p. 351.) XIV. 16 novembre 1604. Le dit sieur procureur[8] dit que le dit sieur Des Chesnes suppliroit messeigneurs des estaz voulloir faire article aux cahiers des estaz, pour suplier sa Majesté voulloir permettre le traficq libre à Canada, à tous les habitans de ceste ville sur l'abus qui se commet par ceux qui, soubz ombre de descouvrir des mynes, y traficquent et empeschent les habitans de lad. ville d'y naviguer et traficquer comme ilz faisoient au passé. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 5.) [Note 8: Richard Boullain, sieur de la Bardoulaye.] XV ÉTATS DE BRETAGNE.--SESSION DE RENNES. 4 décembre 1604. Sur la remonstrance verballement faite en l'assemblée générale des gens des trois états des pays et duché de Bretagne, par les habitants de la ville de Saint-Malo, combien que le traffic et commerce général de toutes sortes de marchandises à tous les sujets de ce royaume, tant en tous les royaumes voisins que mesme ès Terres neuves, Canadas et ailleurs, soit libre, ce néanmoins, aucuns particuliers de ladite ville de Saint-Malo, et autres pretendants au moyen de certaines lettres par eux obtenues, deffendre le trafic audit Canada, sous prétexte qu'aucuns de leurs prédecesseurs firent la première decouverture, les autres, sous promesse d'en faire de nouvelles, ont aussy obtenu lettres pour se rendre le traffic auxdits lieux particulier et privatif, le tout au préjudice du public, et, à cette occasion requeroient lesdits sieurs des États en faire article dans leur cahier, à ce qu'il plaise au roy revocquer lesdites lettres, et en conséquence permettre à tous ses sujets de traffiquer librement de toutes sortes de marchandises audit Canada, tout aussy que aux aultres royaumes, et provinces voisinnes et sur ce, ouy le procureur sindic desdits sieurs des Etats. A été avisé et resolu que les deputés qui iront porter le cahier de leurs remonstrances au roy assisteront lesdits particuliers, à ce que le traffic audit Canada soit libre à tous les habitans de cette province, suivant les mémoires et instructions que lesdits particuliers leurs bailleront. Fait en ladite assemblée des États tenus par autorité du Roy à Rennes, le quart jour de decembre mil six cens quatre. Signé Antoine de Revol, éveque et comte de Dol. (_Registre des États_, p. 448.) XVI 20 mars 1605. Après lecture faicte d'une lettre missive de Me Jan Bodin, procureur feodé en la court de Parlement de ce pays, par laquelle il faict entendre s'estre opposé à la verification de certaines lettres que un certain courtizan duquel il ne scait le nom[9], prétent fere verifier en la court, portantes interdictions à tous les habitans de ceste ville et autres de traficquer au pays du Canada. A esté conclud et consanty procuration aud. Bodin, o pouvoir de poursuivre ladite opposition par les voyes de droit et a esté ratifyé ce qu'il en a cy devant faict de quoy en sera envoyé acte, garentye et signée pour le corps dud. sieur procureur sindicq et de moy greffier. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 5.) [Note 9: Pierre du Guast, sieur de Monts, gentilhomme de la chambre et gouverneur de Pons, avait reçu sa commission du roi le 9 novembre 1603.] XVII DU VENDREDY TROISIESME DUDIT MOIS DE JUING (1605.) Veu par la cour, chambres assemblées, les lettres patentes du roy en forme de jussion, données à Fontainebleau le quatriesme jour d'avril dernier, signées Henry, et au dessoubz par le roy, Ruzé, et scellées du grand seau de cire jaulne, par lesquelles est mandé que sans s'arrester ny avoir esgard à l'opposition des bourgeois et habitans de la ville de Saint-Malo, procedder à la verifficacion pure et simple d'autres lettres pattentes des VIIIe novembre et dix-huitiesme decembre mil six cens troys, attachées soubz le contresel, concernant le pouvoir et commission donnée par ledit seigneur au sieur de Montz, son lieutenant general ès païs terres et confins de l'Acadie et Nouvelle-France, pour les effectz plus particullièrement exprimez audit pouvoir, avecq deffences à tous les subjectz du roy autres que led. sieur de Montz ou ses associez, de traficquer de peleterie en l'estendue desd. lieux, comme plus amplement est porté en lesd. lettres, arrest du XXIe mars dernier, donné sur aultres lettres patentes du XXIXe janvier aussy dernier, par lequel la Cour auroit commis ung conseiller et commissaire pour ouir lesd. habitans de Saint-Malo sur leurdite opposition, requête dudit sieur de Montz affin de verifficacion desd. lettres, conclusions du procureur général du roy; sur ce delibéré, lad. Cour a ordonné et ordonne que lesd. lettres du VIII novembre 1603, XXIXe janvier et quatrième avril dernier seront leues, publiées et enregistrées, sans approbation de la deffence portée par lesd. lettres dud. XXIXe janvier, et que le traficq se fera comme au passé. (Parlement, _Registre secret_, 104, fo 39 ro.) XVIII ÉTATS DE BRETAGNE.--SESSION DE TREGUIER. 12 novembre 1607. Seront pareillement chargez lesdits deputés vers le roy d'obtenir lettres de déclaration de Sa Majesté affin de maintenir la liberté da trafic libre à tous ses sujets, de touttes marchandises aux terres Neuves et pays de Canada, contre les prétentions de ceux qui le veulent faire particulier et privatif à tous autres, avec revoquation des lettres obtenues au contraire. (_Registre des États_, p. 142.) XIX 24 novembre 1608. Ledit sr procureur[10] a remonstré qu'aucuns particuliers de ceste ville qui traficquent aux pays de Canada, auroint en l'an dernier faict aud. lieu une prise de navire et en la présente année une autre chose qui regarde le general de la communauté pour le commerce libre aud lieu. [Note 10: Pierre Eon, sieur des Hasez.] A quoy a esté conclud qu'il sera, au nom de lad. com. présenté requete à Sa Majesté et à nosseigneurs de son conseil touchant la liberté dud. commerce de Canada, et lesd. prises qui s'y sont faictes qui s'amennent au davent de ceste ville sans les représenter en justice, soubz pretexte de la commission de monsr du Mont et à sur ce demander l'intervention de nosseigneur les deputez des Estaz de la province, affin d'obtenir de Sad. Majesté la liberté dud. commerce tout ainsin qu'il estoit au passé, premier que lesd. particuliers eussent obtenu soubz faulx pretextes de Sad. Majesté la liberté dud. commerce et l'interdiction qu'il font à tous ceulx de la province et d'ailleurs qui y voudroint traficquer. Et d'aultant que led. sieur procureur a remonstré que François Crosnier Souesnaye et Charles Jonchée, ont cy davent armé et equibé une patache au davent de ceste ville, pour aller marchandamment aux isles des Amasones, et au lieu dud. traficq ont faict quelque prise et des marchandises à grand valleur, qu'ils ont mené et conduit au havre de Cancalle pour les descharger sans les fere adjuger, etc. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. no 6.) XX 26 mars 1609. Led. sr procureur[11] a aparu lettre missive de Josselin Crosnier Rouaudaye, deputé de la com. à Paris, pour les procès et affeires d'icelle, et par icelle dit qu'il y a un arrest au conseil d'Estat pour la liberté du traficq et commerce de Canada, led. commerse permis à tous les subjectz du roy, parce que ceste communaulté payera à monsieur Dumont pour partye des fraiz qu'il a faict au Canada, la somme de six ou dix mil livres. Après lecture de lad. lettre, et les avis pris, conclud que ceste communaulté ne se submetra de poyer lesd. six ou dix mil livres, aud. sieur Du Mont, mes sy aucuns particuliers d'icelle qui traficquent à Canada veullent se submettre à payer lesd. sommes audit sr Du Mont, sy bon leur semble, le feront sans que le corps général de la communauté entre en lad. obligation, d'aultant que le particulier tire le profilt ou perte dud. traficq de Canada et non la communaulté, de quoy led. sieur de la Rouaudaye, sera par le procureur adverty par lettres qu'il luy en escrira. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) [Note 11: Eon, sieur des Hasez.] XXI 25 octobre 1610. Le procureur[12] a remonstré que en l'an dernier, à l'occasion des sauvaiges de Terre neuffve, il y a plusieurs maitres de navires et mariniers estant à la pesche de molues, sont tuez par lesd. sauvaiges pendant qu'ilz sont à fere lad. pesche, et que pour empescher lesd. sauvaiges continuent telles surprises, la communaulté a présenté requeste à la court, à ce qu'il pleust à ladite cour permettre aux habitans de ceste ville d'armer deux navires pour fere la guerre ausd. sauvaiges, et empescher leurs mauvais dessains, à ce que ceux qui seront à lad. pesche soient pendant icelle en plus de seurté de leur personne. [Note 12: Nicolas Frottet Landelle.] Les avis sur ce pris, conclud qu'il sera requête au roy, à ce qu'il plaise à Sa Majesté voulloir permettre à ceste communaulté d'armer aux fraiz des propriétaires des navires qu'ils envoiront à Terre neuffve, pour empescher les sauvaiges d'assasigner et tuer les Mes et mariniers qui sont à ladite pesche, et pour en drecer lettres, memoires et instructions, pour l'obtencion desd. lettres, sont deputez, Robert Heurtault Bricourt, Jan Grout Villefrouneaux et Jan Pepin Bonaseliere, pour les envoyer à Paris à monsr le doyen, et pour obtenir la permission d'armement et de la continuacion du commerce de Canada, de quoy sera escrit aud. sieur Doyen, tous fraiz et despances pour led. armement et continuacion du commerce de Canada seront faictz aux fraiz des particuliers qui y traficquent, et non aux fraiz de la communaulté qui y preste seullement son nom affin que l'on puisse plus facillement obtenir lesd. permissions. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) XXII 17 février 1611. Lecture faite des lettres du roy obtenues par monsr de Saint-Malo[13], touchant l'armement qu'il convient de fere pour fere la guerre aux sauvaiges de Terre neuffve, qui assasignent les mariniers de ceste ville qui vont à la pesche de mollueeu. [Note 13: Guillaume le Gouverneur, nommé à l'évêché de Saint-Malo le 29 janvier 1610.] Après lad. lecture a esté conclud que lesd. lettres seront présentées en la court, a ce qu'il plaise à lad. court les voulloir veriffier, le procureur en écrira à Me Armel Rouxeau, procureur féodé de ceste communaulté pour quelqu'un de ceste communaulté qu'il deputera pour les présenter en la court, affin de soliciter la veriffication desd. lettres. Et pour rechercher les particuliers qui victuaillent à Terre neuffve, de voulloir fraier aux despances que l'on a faict pour l'obtention desdites lettres, et pour la poursuilte de la vérification d'icelles, tant ceux de ceste ville que des habitans de Cancalle et Saint-Suliac qui victuaillent à Terre neuffvve, sont deputez Robert Heurtault Bricourt et Jan Pepin Villeneufve, d'aultant que la communaulté n'entent porter lesd. fraiz. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) XXIII 22 novembre 1612. Led. sieur procureur[14] a remonstré que, à la requete de monseigneur le prince de Condé, il a esté intymé la deffance du Roy portant interdiction de traficquer à Canada, et qu'il a semblé à propos aud. procureur de faire entendre à ceste communaulté à ce qu'elle y delibere, et après lecture faicte des lettres du roy et de mond. seigneur, ensemble de lad. intymacion, à ce que chacun n'en prétende cause d'ignorance, conclud de n'empescher le sieur Du Mont de traficquer à Canada, suyvant ses permissions, ayant cy davent presté son nom aux particuliers de ceste ville, d'obtenir à leurs fraiz de pouvoir traficquer avec Canada et non aultrement. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) [Note 14: Nicolas Frottet, sieur de la Landelle.] XXIV 22 décembre 1612. Le procureur a de recheff aparu les lettres du roy pour la deffance de traficquer à Canada sans la permission de monseigneur le prince de Condé, dont lecture a esté faicte ensemble de lad. deffance intymée à la requete dud. seigneur prince aud. sieur procureur, ce qu'il a semblé à propos aud. sieur procureur le fere entendre à ceste communaulté, à ce que les particuliers de ceste ville y gardent estat et n'en puissent prétendre cause d'ignorance. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) XXV 16 janvier 1613. Le procureur[15] a remonstré qu'il a pleu au roy interdire le traficq de Canada à tous ses subjectz, sans la permission de monseigneur le prince de Condé ou ses assotiez. [Note 15: Jean Boullain, sieur de la Rivière.] Après laquelle remonstrance a esté consanty, procure avecq pouvoir d'aller trouver Sa Majesté et mond. seigneur, pour les supplier très-humblement voulloir permettre le traficq pour les habitans de ceste ville avecq les sauvaiges de Canada, laquelle procuracion, sera raportée par Me Loys Pommerel et... notaires royaulx, qui sera signée pour le corps de monsr le procureur sindicq et du greffier. Et pour ce que led. traficq ne se faict par ceste communaulté, mais par des particuliers d'icelle qui sont Thomas Porée Leschesnes, Pierre Eon les Hasez, Thomas Cochon les Loriers, Pierre Trublet le Jardrin, Vincent Gravé le Houx et leurs consors, lesd. particuliers seront tenuz faire tous fraiz mises, et despances pour ceux qui feront la poursuilte, tant vers sa Majesté, mond. seigneur le Prince ou ses commis, pour obtenir la liberté dud. commerce sans que le corps de ceste communaulté en porte aucuns fraiz et mises en principal et accessoire. Sy aultres particuliers habitans de ceste ville et des environs d'icelle, voudroint armer et équiper navires et pataches pour led. traficq soubz le nom des lettres et permissions sy se peuvent obtenir, ilz seront tenuz de contribuer au marcq la livre aux fraiz qui se feront pour l'obtention de ladite permission, de tout quoy sera reporté acte d'indempnité à ceste communaulté pour le garant d'icelle, sans qu'elle en porte aucun fraiz par lesd. Pommerel et... notaires royaulx, qui sera pour le corps signé dud. procureur et greffier, et pour en drecer led. acte d'indempnité sont deputez Nicollas Frotet Landelle et Christofle Bernart Tertregenezon. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) XXVI 21 décembre 1613. Monsieur le procureur a aparu la coppye d'un arrest du conseil d'Estat, par lequel Richard Boullain Bardoulaye, Jan Pepin Bonesclers, Jullien Gravé Lepre et Allain Masgon Brehaudaye, sont condampnez payer à monsieur du Mont, six mil livres pour avoir faict la traicte de pelleterye au pays de Canada en l'an mil six cens neuff, ensemble l'intimation faicte audit sieur procureur en la qualité de procureur sindicq de ceste communaulté, duquel arrest et de lad. intymacion a esté faict lecture. Après icelle faicte. A esté conclud qu'il sera par le greffier de ceste communaulté delivré acte aud. sieur procureur de lad. intimacion. Les députez pour aviser de la suilte des proceis de ceste communaulté, délibéreront de ceste affaire affin de favoriser et assister lesd. particuliers qui sont condampnez payer lesdites VIm lb., pour leur en exempter sy fere se peult et se gouverner par avis de conseil, le tout aux fraiz desd. particuliers. Par Pierre Eon sieur des Hasez, ayant esté procureur sindicq de ceste communaulté en l'an 1609, a esté aparu deux mynuttes de lettres missives qu'il escrivoit à Josselin Crosnier Rouaudaye, deputé de ceste communaulté à Paris, dabtées des XXVIe mars et XVIIIe avril aud. an 1609, desquelles lecture a esté faicte, portantes lesd. mynuttes les afferes du commerce de Canada, lesquelles sont demeurées aux mains dud. Eon. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) XXVII LETTRES ET DEFFENCES POUR CEUX QUI FERONT VOIAGE EN TERRE NEUFVE. Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Les roys nos predécesseurs ayans aprins que leurs subjectz avoient descouvert le païs des Terres neufves, abondante en la pesche des mollues, ont favorizé aultant qu'il leur a esté possible la commodité de ceulx qui entreprennent de foire voiaiges esd. lieux, affin que ce commerce estant bien estably, noz subjectz en receussent la commoditté et ne coureussent auchune fortune s'il se pouvoit en faisant la pesche desd. mollues, sur quoy ont esté faictz divertz reglements. Mais comme le temps faict descouvrir les commoditez et incommoditez qui se trouvent au commerce des lieux si esloignez, il est advenu que ceulx qui ont esté esd. lieulx pour faire la pesche des mollues, se sont adonnez à fere bastir et construire certains eschaffaulx de bois plantez partie dedans l'eau et l'autre dedans la terre sur lesquelz ilz mettent leur sel, habillent et sallent leurs dites mollues, lesquelz eschaffaulx ne se peuvent faire qu'avec beaucoup de peine et incommodité, d'aultant qu'il fault aller loing dedans le terre querir les bois propres pour faire iceulx, et s'exposer en ce faisant aux courses et invasions des sauvaiges qui ont par cy devant tué plusieurs de noz subjectz apportans les bois necessaires pour construire lesd. eschaffaulx, et ceste perte et incommodité a esté cause que les marchans faisans faire lad. pesche de mollues pour eviter telz hazards se sont accoustumez longuement à laisser sur pied lesd. eschaffaulx, pour les y trouver les années subsequentes, qui estoict ung advantaige et bien publicq, contre lequel l'avarice d'aucuns les a induictz, au prejudice du bien publicq, quand ilz sont arrivez esd. lieux à choisir telz desd. eschafaux qu'ilz ont trouvé le plus commode pour leur service, comme chose qui n'est à personne, delaissée au premier qui l'occupe et, non contents de ce, pour injure à ceulx qui venoient après eulx, desmolir les aultres eschafaulx, en prandre sur les planches et les cloux qui les tenoint en pied, tellement que les marchans arrivans après ne trouvant plus d'eschafaulx, bastiz pour faire la pesche, ont esté contrainctz avecq grande longueur, perte de temps et souvant des hommes de leur équipaige, envoyer bien loing dedans la terre chercher du bois pour en édifier de nouveaux, quoy faisans, ont couru fortune d'estre tuez par les sauvaiges dud. pays, laquelle incommodité eust cessé si estroitement et rigoureusement l'on eust deffandu de plus à l'advenir desmolir lesd. eschafaulx et enjoinct les laisser sur pied comme chose publicq pour servir à l'usaige de ceux de nos subjectz qui s'y transporteroint pour le faict de lad. pesche de mollues, et par mesme moien leur eust esté deffandu de descharger et jecter le laist et gravier de leurs navires dedans les portz et havres dud. païs pour eviter qu'avec succession de temps, lesd. portz et havres ne feussent comblez et lad. navigacion d'aultant incommodée. A quoy estant nécessaire de pourvoir, mesmes sur l'advis et plaincte generalle que en ont faicte noz officiers sur les lieulx, et particullièrement de Bretaigne, noz chers et bien amez les habitans de notre ville de Saint-Mallo, et y apporter l'ordre convenable, après avoir faict communicquer cest affaire à notre très cher et bien amé cousin le duc de Montmorency, admiral de France, de l'advis d'icelluy et de noz certaine science, grace speciale, plaine puissance, propre mouvement et auctorité royalle, avons dict, declaré, disons et declarons, voullons et ordonnons que deffances très estroictes soint faictes, comme nous faisons par ces presentes, signées de notre main, à tous nos subjectz generallement quelconques, qui vont et iront aud. païs de Terre neufve, et nouvelle France, pour faire lad. pesche de mollues, d'abatre, ruyner ou desmolir en faczon quelconque les eschafaulx qui sont et seront par cy après bastiz et edifiez aud. païs pour les commoditez de lad. pesche, sallaizon, habillage et adjancement dud. poisson, ni sortir le laist de leurs navires et basteaulx dedans les portz et havres dud. païs, sur peine estre les contrevenans pour la première foiz de trois mil livres d'amende, applicable au restablissement et rebastissement d'autres eschafaulx et de confiscacion de corps et biens pour la deulxiesme. Si donnons en mandement à noz amez et feaulz consrs les gens tenant noz courtz de parlement, siéges de l'admirauté et à tous noz aultres justiciers et officiers qu'il apartiendra que ces presentes lettres ilz ayent à lire et enregistrer et le contenu en icelles faire garder et observer, proclamer et afficher par tous les lieulx et endroictz que besoing sera, affin que personne n'en pretende cause d'ignorance, mandons à noz procureurs generaux et leurs substituts tenir la main à l'execution d'icelles, et nous advertir diligemment de ce que fait y auront, et d'aultant que de ces presentes l'on poura avoir affaire en plusieurs et divertz lieulz, nous voullons que à la coppie deubment collationnée d'icelles par l'un de noz amez et feaulx notaires et secrétaires, foy soict adjoustée comme au present original, car tel est nostre plaisir, et affin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons faict mettre notre scel à cesd. presentes, sauf en autres choses notre droit et l'autruy en toutes. Donné à Paris le vingt-sixième jour de juin l'an de grace mil six cens quinze et de notre regne le sixieme. Ainsi signé Louis, et sur le replis par le roy Brulart, et scellé en cire jaulne du grand sceau sur double queue. Registrées suivant l'arrest de la court de ce jour, pour en jouir les impetrans bien et deubment, suivant la volonté du roy et que lesd. lettres et le present arrest seront publiées aux portz et havres de ceste province, à ce que aulcun n'en pretende cause d'ignorance, enjoinct aux substituts du procureur general du Roy ausd. lieux de tenir la main à l'execution desd. lettres et arrest. Faict en parlement à Rennes, le vingtiesme jour d'aougst mil six cens quinze. (_Registre du Parlement_, XIV, fo 222 et sq.) XXVIII 9 septembre 1615. Deputation de Aermel Martin Sr de Parisière pour aller en court. ... Se joindre avecq ceux de ceste ville qui poursuyvent la liberté du commerce de Canada s'il arrive que quelques particuliers de ceste ville pour lad. liberté du commerce, et qu'ilz en tumberoient en aucun dommaige et interestz, la communaulté promet les garantir sur l'hipotecque general des deniers d'icelle. (_Archives de Saint-Malo_, Reg. 6.) XXIX ÉTATS DE BRETAGNE.--SESSION DE RENNES. 5 novembre 1616. Remontrances très humbles des États de Rennes. Art. 7. Le pays de Canada, maintenant apellé la Nouvelle France, fut premièrement découvert par les Bretons, et particulièrement par un nommé Jacques Quartier, originaire de Saint-Malo, qui, le premier entre tous vos sujets, traça le pas de l'heureux commerce, lequel depuis y a été continué de plusieurs ports et endroits de votre royaume; et combien qu'il importe grandement au bien commun de vos sujets et spéciallement des habitans de votre pays de Bretaigne que la liberté du commerce soit maintenue et conservée entière et sans discrétion ne différence de personnes, et que dès l'an mil six cens deux, le sieur Dumont s'estant efforcé de s'attribuer proprement et privativement ledit commerce, et ayant obtenu lettres patentes du deffunt Roy d'heureuse mémoire sur ce sujet, il en ait dechu, et que lesdites lettres ayent été révoquées en l'an mil six cens neuf, à la poursuite des habitans de lad. ville de Saint-Malo, et le trafic restitué à son ancienne et première liberté, si est ce que encore depuis naguerres aucuns particulliers de vos villes de Rouen et Havre de Grace auroient, par faveur, obtenu autres lettres de votre Majesté, par lesquelles ils prétendent se rendre propre privatiment à tous autres François la permission et licence dudit trafic à commencer depuis le Havre appellé le Tadousac qui est entièrement le seul pays ou se fait et se peut faire ledit traficq, lequel par tel moyen demeure prohibé à vos autres sujets, mesmes à ceux qui en ont donné à la France la première connoissance; lesd. États supplient très humblement votre Majesté vouloir révoquer lesd. commissions données, sous quelque cause et prétexte que ce soit, et à quelques personnes que ce puisse être, comme prejudiciable au bien commun du pays, et en conséquence déclarer ledit traficq de Canada ouvert et libre à tous vos sujets sans difference, et ordonner qu'il en sera expédié et délivré lettres patentes de vos déclarations et volontés sur ce fait. Accordé. (_Registre des États_, p. 145.) XXX ÉTATS DE BRETAGNE.--SESSION DE RENNES. 29 octobre 1617. En l'endroit de la lecture faite en l'assemblée générale des gens des trois États des pays et duché de Bretaigne, convoqués et assemblés par autorité du Roy en la ville de Rennes, suivant les lettres patentes du neuvième jour du présent mois et an, du septième et dernier article du cahier des dernières remontrances faites à Sa Majesté, et reponses sur icelles, touchant la très humble suplication qui luy fut faite par les deputés de vouloir declarer le commerce et traficq de Canada ouvert et libre indifféremment à toutes personnes, le procureur syndic a représenté que, depuis ledit article répondu et accordé, et le vingt-septième de may dernier, les nommés Thomas Porée, Daniel Poyer et associés, auroient obtenu un arrêt au conseil par lequel il est ordonné que, dans six semaines pour toutes prefixions et délais, ledit sindic viendroit precisement consentir ou empecher les fins et conclusions desdits Porée et leurs associés qui tendoient à ce que Sa Majesté, sans avoir égard à lad. reponse, eut ordonné que les deffenses cy devant faites à tous les sujets de trafiquer et negocier audit pays de Canada, fussent réitérées sur les peines portées par les articles à eux accordés au conseil, arrêts et lettres patentes sur ce obtenues, et que toutes commissions et permissions delivrées cy devant, et qui se pourroient cy après obtenir au contraire, seroient cassés, revoqués et annullés, et que lesd. Porée, Poyer et associés, jouiroient suivant lesd. articles pour le tems qui leur a été accordé privativement à tous autres dudit traficq; lequel arrêt luy auroit été signifié le vingt deuxième de juin dernier, avec assignation à six semaines audit conseil, pour procéder sur le contenu en iceluy, requerant lesdits sieurs des États de delibérer ce qu'ils desiroient y être fait. Sur ce, ouy honorable homme, Jean Grout, sieur de la Ville ès nouveaux, procureur sindic des habitans de Saint-Malo, qui a representé les incommodités qu'apporte au général de la province l'empêchement du libre commerce et traficq aux habitants de cette province, qui en ont premier fait la decouverte esdits pays de Canada, grand fleuve de Saint-Laurent et lieu de Quebec. Sur ce delibéré entre les trois ordres, lesdits sieurs des États ont donné charge aux députés qui seront par eux nommés en cette assemblée pour porter en cour le cahier de leurs humbles remontrances, et à leur procureur sindic, de se presenter à lad. assignation, y deffendre de tout leur pouvoir, et insister fortement à l'entière exécution et observation de la reponse de sad. Majesté sur ledit article, et que, à cette fin, ledit Grout leur baillera ses memoires et instructions, et autres qu'il pourra recouvrer à la communauté de Saint-Malo. Fait en lad. assemblée tenue en la grande salle du couvent des Jacobins dudit lieu, le vingt neuvième jour d'octobre mil six cens dix sept. (_Registre des États_, p. 185.) XXXI ÉTATS DE BRETAGNE.--SESSION DE NANTES. 23 octobre 1618. Les gens des trois États des pays et duché de Bretaigne, convoqués et assemblés en la ville de Nantes, par autorité du Roy, suivant ses lettres patentes du septiesme jour du présent mois, deliberant sur ce que le procureur sindic leur a représenté qu'il avoit été donné charge à leurs députés en cour de deffendre à plusieurs procez qui étoient pendans an conseil du Roy, sçavoir, à la demande de trois cent tant de mil livres prétendue par monsieur de Sourdéac, à autres procez contre M. Michel Neveu, et autre contre les nommés Porée et Poyer, touchant la liberté du traficq de Canada, esquels touteffois il n'avoit été rien fait, ni poursuivy depuis la dernière assemblée, mais qu'il étoit à craindre qu'il s'y fit quelques poursuites cy après, et pour cette occasion a requis l'assemblée d'aviser s'il seroit à propos de charger et donner pouvoir aux deputés qui seront nommés pour aller en cour, de deffendre auxdits procez au cas qu'ils seroient poursuivis, ont donné charge aux députés qui seront par eux nommés en cette assemblée pour aller de leur part vers Sa Majesté, de deffendre auxdits procez, au cas qu'on les voudrait poursuivre, ainsi qu'ils aviseront par conseil. Fait en lad. assemblée tenue en la grande salle du couvent des Jacobins dudit Nantes, le 28e jour d'octobre 1618. (_Registre des États_, p. 345.) XXXII ÉTATS DE BRETAGNE.--SESSION DE VANNES. 3 octobre 1619. Les gens des trois États des pays et duché de Bretagne, assemblés par autorité du Roy en la ville de Vannes, deliberans sur ce que messieurs leurs deputés en cour l'année dernière leur ont representé, qu'il leur avoit été donné charge en l'assemblée dernière, de deffendre en plusieurs procez pendans et indecis au conseil de Sa Majesté, savoir, à la demande de trois cens tant de mille livres tournois prétendue par monsieur de Sourdéac, et à autres procez contre Me Michel Nepveu, et autres contre les nommés Porée et Poyer, touchant la liberté du traficq de Canada, auxquels il ne s'est fait aucune poursuite qui soit venue à leur connoissance, avisant lesd. sieurs des États de deliberer s'il seroit à propos de donner pareil pouvoir aux deputés qui les nommeront pour aller en cour affin d'éviter à la surprise, ont donné pouvoir aux deputés qui seront nommés en cette assemblée pour, de leur part, presenter au Roy le cahier de leurs humbles remontrances, de deffendre auxdits procez, au cas que l'on y feroit quelques poursuites. Fait en lad. assemblée tenue en l'auditoire royal dud. Vannes, le 3e jour d'octobre 1619, signé Guillaume ev. de Saint-Malo. (_Registre des États_, p. 538.) Cette mention du Canada est la dernière qui se retrouve sur les Registres des États de Bretagne. ---- TABLE DES DOCUMENTS RELATIFS AUX RELATIONS DE LA BRETAGNE AVEC L'AMÉRIQUE DU NORD. . I.--Commission au marquis de La Roche, mars 1577. II.--Seconde commission au marquis de La Roche, 3 janvier 1578. III.--Délibération des États de Bretagne, 17 mars 1588. IV.--Opposition de la ville de Saint-Malo au privilége de Chauvin, 3 janvier 1600. V.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 21 décembre 1602. VI.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 26 janvier 1603. VII.--Lettre missive de Henri IV, 28 décembre 1602. VIII.--Déclaration de Henri IV, 2 janvier 1603. IX.--Lettre de l'amiral de Montmorency, 3 janvier 1603. X.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 7 avril 1603. XI.--Arrêt du conseil d'État, 13 mars 1603. XII.--Commission au capitaine Colombier, 13 mars 1603. XIII.--Instructions des États de Bretagne aux députés en cour, 22 octobre 1603. XIV.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 16 novembre 1604. XV.--Délibération des États de Bretagne, 4 décembre 1604. XVI.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 20 mars 1605. XVII.--Arrêt du Parlement de Bretagne, 3 juin 1605. XVIII.--Instructions des États de Bretagne, 12 novembre 1607. XIX.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 24 novembre 1608. XX.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 26 mars 1609. XXI.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 25 octobre 1610. XXII.--Délibération de la ville de Saint Malo, 17 février 1612. XXIII.--Extrait des registres des délibérations de Saint-Malo, 22 novembre 1612. XXIV.--Extrait des registres des délibérations de Saint-Malo, 22 décembre 1612. XXV.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 16 janvier 1613. XXVI.--Délibération de la ville de Saint-Malo, 21 décembre 1613. XXVII.--Lettres patentes relatives aux expéditions de Terre-Neuve, 26 juin 1615. XXVIII.--Extrait des registres des délibérations de Saint-Malo, 9 septembre 1615. XXIX.--Remontrances des Etats de Bretagne, 5 novembre 1616. XXX.--Délibération des États de Bretagne, 29 octobre 1617. XXXI.--Délibération des États de Bretagne, 23 octobre 1618. XXXII.--Délibération des États de Bretagne, 3 octobre 1619. [Illustration - decoration] Paris, imprimerie Jouaust, 338, rue Saint-Honoré. _Publications de la Librairie TROSS, à Paris._ Imprimées avec luxe et tirées à petit nombre. DISCOURS Du voyage fait (en 1534) par le cap. Jacques Cartier aux Terres-Neufues de Canadas, Norembergue, Hochelage, Labrador et pays adjacens, dite nouvelle France. Publ. par H. Michelant. Documents inédits sur Jacques Cartier et le Canada, publ. par A. Ramé. Avec 2 grandes cartes. Un vol. in-8, papier vergé, 18 fr. Papier vélin Whatman, 25 fr. Peau de vélin, 180 fr. BREF RÉCIT ET SUCCINCTE NARRATION De la navigation faite en 1535 par le capitaine Jacques Cartier, aux îles de Canada, Hochelaga, Saguenay et autres. Réimpression figurée de l'édition originale rarissime de M.D.XLV, avec les variantes des manuscrits de la Bibliothèque impériale. Précédé d'une brève et succincte introduction historique par M. d'Avezac. Un vol. in-8, papier vergé, 12 fr. Papier vélin, 20 fr. HISTOIRE DE LA NOUUELLE FRANCE Contenant les navigations, découvertes et habitations faites par les François, ès Indes Occidentales et Nouuelle-France. Avec les moeurs de la Nouuelle-France. Par Marc Lescarbot. Nouvelle édition publ. par Edwin Tross. 3 vol. Pap. vélin, 36 fr. Papier de Hollande, 60 fr. Cette nouvelle édition est enrichie de quatre cartes. 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Avec un Dictionnaire de la langue huronne. 2 vol. in-8, front. grav. Papier vélin, 24 fr. Papier vergé, 30 fr. Papier de Hollande, 40 fr. --- Provided by LoyalBooks.com ---