Silence en otage, poésie by Huguette Bertrand RACINE Au mouvement des sources nos mères spongieuses à la terre enracinées s'agrippent aux foetus déjà mûrs de l'automne achevé entre leurs cuisses le balbutiement des multitudes jusqu'à la lie des voix RETOUR Arrachés aux saisons les cris d'un fleuve usent les paysages l'eau de l'enfance sculpté de larmes ce ruisseau sacré pose nonchalant et belle sera la passion d'un verger secret et belle la clarté du nombre des jours DISTANCE Blottie dans un silence la phrase amoureuse consent à l'existence à ses métamorphoses créant un rêve décuplé maintenu à une distance parfaite ses manières retardent la venue des saisons mortes sur la feuille usée conjuguent la détente à la verdeur des amants convaincus que les vaches paissent aux flancs des heures NOIRTÉ Une totalité une précision un mot total et précis qu'une nuit galvaude dans le silence des garde-robes sous la toison lunaire camoufle l'usure des pyjamas il meurt content ce génie de l'ombre dont la phrase a chuté dans les abysses de la lumière chef-d'oeuvre ailé emprisonné dans la parole il fait toujours monstre luit le noir SONGES Sous la mer moutonneuse des petites morts amoureuses chevelures d'algues reliées au visage immolé de l'otage leurs jeux tentaculaires tout en songes et rond le jour le corps gercé de mots mâles et femelles remue les os SOUFFLE Allongés sur une solitude des coeurs entassés proclament un vertige ancien que seul le silence afflige obsédées leurs lèvres d'argile enfièvrent les dépouilles provocantes engourdissement du paysage émerge un souffle bleu-cri EXCÈS Jusqu'à la fin du corps cette senteur d'épouvante décapant à la rude tâche de nos amours grattant l'éternité inquiétantes silhouettes au matin s'enflent roses elles maquillent leurs cris d'un excès d'au-delà LES ABSENTS En regard de nos mains recueillies les musiques ont sombré dans une vaste mare de boue et tous les yeux ont suivi la silhouette du silence vers des ombres à rayures d'enfants sales ont pillé tous les jeux des absents MUTILATION Vieil azur le corps mime la mort la peur figée sur l'oeil au temple des lèvres le dernier cri du temps mutilé saccagé le vide explore le fruit d'un bruit de chair la douleur immolé ENVOL Un discours un espace blanc et tout ce remplissage du silence qu'on verse sur le père la mère les enfants et mémère dans la dramaturgie ordonnée multipliée par l'espace-temps on le retrouve en double en triple en quadrimoteur sur les ailes du langage elle flotte sur la masse totale du poème étriqué(e) LES VIEUX Jeunes dieux fripés ils pratiquent le silence les vieux dans le bar enfumé de leurs rêves font profession de mémoire et c'est dans la rosée de leurs regards que trempent nos coeurs délicats les vieux vont et reviennent traversent nos pas endoloris de l'épaule à la hanche ont le trépas allongé et le sourire fleuri lorsqu'ils viennent tout près les vieux leurs mots saignent d'azur sur nos couchants récifs argentés des échouages qu'un poil de chat fait éternuer LA REPOUSSE Couchée dans le duvet de l'automne je crie en silence sous le pluie verte et sourde mon corps détrempé ramollit et que viennent les mouches braconner sur les restes de ma folie entourez-moi de vos bruits d'ailes enterrez-moi comme un hasard jusqu'à la prochaine repousse --- Provided by LoyalBooks.com ---